Au Phébus à Joucas (84), Xavier Mathieu veille sur près de 80 collaborateurs dont une vingtaine en cuisine.
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Quarante ans de maison et plus de vingt ans d'étoile pour le Phébus, à Joucas, dans le Vaucluse : une histoire qui n'a pas pris une ride, et dont il déguste chaque instant.
"Une histoire qui pèse, mais pas au sens d'un fardeau, plutôt d'un bagage plein de souvenirs heureux. » Où le quinquagénaire retrouve des images de celui qu'il était quand ses parents se sont installés dans ce village du Luberon. « Un gamin de quatorze ans, malheureux à l'école, qui avait envie de travailler. » Pas de vocation pour la cuisine, « même si j'aimais déjà bien manger », mais surtout l'envie de rendre service à ses parents qui entamaient une nouvelle vie après avoir quitté l'entreprise familiale de luminaires à Marseille. L'auberge du Phébus comptait alors six chambres et avait besoin d'une offre de restauration, que lui confie son père. il rencontre rapidement le chef triplement étoilé Roger Vergé, qui vient d'acheter une maison dans le Vaucluse. Cette figure de la gastronomie le prend sous son aile durant les saisons hivernales dans son établissement de Mougins, dans les Alpes-Maritimes.
À part quelques mois, à Paris, chez Joël Robuchon, et finalement un CAP en alternance, il n'est pas allé voir ailleurs, concentré sur cette auberge améliorée chaque année au fil des investissements. Aujourd'hui, le Phébus est une destination avec deux restaurants, trente chambres, un spa, qui emploie 80 personnes dont une vingtaine en cuisine. Avec toujours cette notion d'accueil que Xavier Mathieu se plaît à transmettre.
« J'invite mes collaborateurs à cuisiner chaque plat comme si c'était le dernier »
La cuisine s'est épurée avec le temps, et un déclic à la fin des années 90. « Je croyais à ce moment-là avoir construit mon identité, mais j'étais encore dans la démonstration. Depuis je n'ai fait qu'enlever, à la manière d'un tailleur de pierre. » Pour arriver à des plats lisibles et des émotions immédiates. il invite même ses collaborateurs « à mettre de l'amour et à cuisiner chaque plat comme si c'était le dernier ». Et quand le navire est à quai en hiver, il les emmène en voyage, cuisiner et se nourrir d'ailleurs.
La Covid a accentué chez lui cette envie de transmettre, à ses équipes et aux élèves de l'école hôtelière d'Avignon depuis deux ans maintenant. il se réjouit du sens des responsabilités de la jeune génération, lui qui depuis longtemps s'est donné une limite de 100 kilomètres pour les approvisionnements, composte pour le potager, donne le pain non consommé, les retours d'assiettes et les carcasses aux éleveurs. Et a investi dans un forage qui permet l'autosuffisance en eau, et des panneaux solaires qui alimentent l'établissement à 70 %. « Des décisions plus faciles à prendre quand on est chez soi. »