Restauration des enfants: génération inflation

AMÉLIE RIBEROLLE
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Restauration des enfants: génération inflation

Mur interactif et table tactile ont été choisis par Flunch pour assurer l'eatertainment de sa jeune clientèle.

© ©FluNCH

On en parle souvent comme des clients ou des convives de demain. Mais il faut nourrir les enfants au présent, dans une dynamique de transition compliquée par le contexte économique. À moins de trouver les leviers pour accélérer le changement.

L'inflation se fait sentir dans l'assiette des Français, et ce n'est pas qu'une vue de l'esprit : entre juillet et novembre 2022, la part des personnes déclarant ne pas avoir suffisamment à manger est passée de 12 % à 16%, alors qu'elle n'avait augmenté que de 3 points entre 2016 et 2022, selon l'étude Consommation et modes de vie, dévoilée par le Credoc en mai. Et l'assiette des enfants n'est pas épargnée, tant en commerciale qu'en collective.

Une inflation qui bouleverse donc la restauration scolaire. D'autant que selon le 4e baromètre de la transition alimentaire de Max Havelaar publié en novembre 2022, les parents refusent le dilemme entre qualité et accessibilité à la cantine. Ainsi, 65% d'entre eux souhaitent des solutions alternatives innovantes de la part des pouvoirs publics pour ne pas payer plus cher la cantine de leur enfant. ils sont également à 93 % favorables aux démarches d'alimentation durable de leurs collectivités locales, impliquant aide aux producteurs, engagements de qualité des produits servis à la cantine ou encore sensibilisation des enfants (42 % tout à fait favorables). et ne souhaitent pas de remise en cause des obligations de la loi Egalim de proposer des produits durables et de qualité. « Cette mission sociale est ce qui nous anime tous les jours, revendique Mickael Girard, directeur des opérations santé et enseignement chez Elior, et ce sans distinction entre nos convives du public et du privé. » Face à la situation économique, qui rend plus difficile la mission d'offrir « des repas sains, bons et équilibrés à des prix abordables » , la SRC mise sur la transparence : « La première chose à faire est de partager le contexte avec nos donneurs d'ordres. Expliquer que le cours du porc a augmenté de 26 % par exemple, de manière factuelle, ou encore les tensions sur la disponibilité de certains approvisionnements. »

De la contrainte à l'opportunité

Et ensuite, actionner différents leviers : « Suivant les clients, soit on adapte l'offre standard, soit on s'adapte pour ce qui dépend de nous. » en accélérant sur la lutte contre le gaspillage, au niveau des retours plateaux ou en amont sur la production, avec des systèmes de pré-réservation pour une meilleure prédictibilité. Mickael Girard y voit une formidable opportunité de booster des démarches comme les Plats durables : « Au départ, c'était une initiative RSE pour répondre à des enjeux environnementaux : réduire la part de viande en compensant par des apports en fer, avec du foie de volaille dans le chili con carne ou la sauce bolognaise, ou de la sardine dans la brandade de morue, pour réduire l'impact carbone de 45 % en moyenne, dans une série de 17 recettes que nous proposons et valorisons une fois par semaine en plus du plat végétal. »

Le contexte économique transforme la contrainte en opportunité de faire évoluer plus rapidement les concepts, de plus en personnalisés : possibilité de menus à quatre composantes « dans le respect de l'équilibre alimentaire, avec un point d'attention sur les féculents et les produits laitiers » ; baisse du nombre de choix sur certains linéaires dans le secondaire, notamment pour les entrées, et offre différenciée au lycée. « On sort du plateau vers une offre entrée-plat-dessert en formule nutriscorée, plus attractive, qui évite aux élèves de sortir de l'établissement pour déjeuner sur place, où ils ne paient que leur choix » , détaille Mickael Girard. En interne, c'est aussi un moyen de challenger et fédérer les équipes, avec une communauté de chefs qui travaillent sur de meilleures pratiques, tant au niveau des recettes, comme le burger de haricots rouges ou la terrine de carottes avec des restes de pain, que des cuissons : « Le changement est plus facile sous la contrainte. Nous sommes passés en mode projet et cela nous a rapprochés de nos clients et des convives, qui de manière différente suivant les âges, se responsabilisent. »

« Aiguiller nos jeunes vers l'alimentation de demain. » C'est aussi la mission que se donne Carole Galissant, directrice transition alimentaire et nutrition chez Sodexo France, également présidente de la commission nutrition du SNRC (Syndicat national de la restauration collective). « L'inflation a accéléré la végétalisation, avec une demande des opérateurs d'être plus dynamique dans la création des plats. D'ailleurs, nos formations font carton plein. » Sodexo y délivre également des argumentaires nutritionnels pour rassurer les parents. « Car les problèmes économiques nous incitent à mettre de la valeur dans les assiettes. L'inflation a eu un double effet : d'un côté, elle complique la mission sociale de la restauration scolaire, de l'autre, elle l'accentue. » C'est pourquoi le choix a été fait de donner la priorité à la couverture des besoins nutritionnels, sans trop dégrader les menus. « Plus végétaux, mais pas à outrance, surtout en primaire : il faut que cela soit consommé. » Dans le secondaire, la proportion est passée à deux jours par semaine.

Durable et gourmand

Carole Galissant se félicite de l'ouverture des élèves, et particulièrement les lycéens, sur certains produits comme le quinoa, le sarrasin et même les graines de chia. « C'est une génération qui réfléchit. Néanmoins, il faut faire attention quand ils basculent vers une alimentation végétarienne voire végétalienne sans accompagnement. » une nouvelle facette de cette mission sociale, voire sociétale : « L'offre doit comporter tous les éléments, comme dans le monde de l'entreprise. » et ce, pour nourrir « ces mangeurs pluriels, pour des raisons culturelles ou cultuelles » .Mais aussi continuer à aller de l'avant : « Nous avons mis du temps à bannir certains produits, il n'est pas question de les faire revenir. » Même position pour le végétal, dans l'attente du nouvel arrêté sur la restauration scolaire, la cadre se refuse à y répondre avec des produits ultratransformés.

Sur cette mission sociale, voire sociétale de la restauration scolaire, l'engagement des Marmites volantes ne souffre d'aucun compromis, et ce depuis maintenant plus d'une décennie. « Les enfants sont au cœur de notre projet depuis le début, se souvient Ariane Delmas, cofondatrice des Marmites volantes avec trois associés. Déjà, parce que même si aucun de nous n'avait d'enfants lors de l'ouverture de notre premier restaurant en avril 2012, nous voulions un lieu de rencontre autrement, fermé le soir et les week-ends, qui nous permette d'avoir une vie de famille. » et n'intègre ni congélateur ni micro-ondes, dans une approche responsable tant au niveau des approvisionnements que de la gestion des déchets et celle des ressources humaines. l'activité s'étend à la livraison à vélo de petites marmites aux entreprises, avant qu'en 2016, une école voisine du restaurant de Jaurès (Paris 19e ) ne sollicite l'équipe. « Nous ne cessons depuis de montrer qu'une restauration scolaire durable et gourmande, c'est possible » , se félicite Ariane Delmas. C'est pourquoi une nouvelle levée de fonds est encours pour développer encore ce segment, après l'ouverture d'une cuisine centrale à Saint-Denis (93), qui produit quelque 1 300 repas quotidiens. en appliquant toujours la même recette qu'au restaurant : du fait-maison, des produits bio à plus de 60 %, locaux, dans des contenants consignés, et livrés à vélo cargo.

Marmites volantes

Les clients des Marmites volantes sont majoritairement des écoles privées - une quinzaine d'établissements à Paris et en petite couronne -, séduites par l'offre standard : chaque semaine, un repas carné, un autour du poisson et deux végétariens. et ça fonctionne : « Les enfants ont peu d'a priori. Et c'est tant mieux, car vu l'enjeu sur cette génération, ils doivent absolument aimer l'offre végétale » , souligne Ariane Delmas. Parmi ses best-sellers, la blanquette de haricots blancs, et des poêlées de légumes adaptées : « Au restaurant, ils en contiennent cinq. En restauration scolaire, on est descendu à trois, dont un dit de confort : maïs, pomme de terre ou carotte. » Avec un coût denrée de 1,90 €, dans la moyenne du marché.

« L'augmentation des prix, nous la prenons de plein fouet sur les produits transformés comme les pâtes, ou les blancs de poulet. Mais les circuits courts sont peu touchés, le cours du poireau à Beauvais ne s'est pas envolé » , lance Ariane Delmas, confortée dans la pertinence du modèle. « Nous travaillons également avec Atypique, grossiste en fruits et légumes bio déclassés, notamment pour cause de taille : ce qui tombe bien, les petites pommes sont parfaites pour les enfants ! » l'une de ses plus grandes fiertés, c'est que parents et enfants demandent des recettes : « Cette honnêteté, ils la perçoivent; on montre par l'exemple que c'est possible de passer un bon moment à table, dans tous les sens du terme. »

L'expérience au-delà de l'assiette

Si la restauration collective doit s'adapter, il en va de même pour la commerciale. Ainsi, en novembre dernier, le sondage réalisé par OpinionWay pour Welcome Family, fournisseur de solutions pour l'accueil des enfants en restauration, montrait que plus de 4 parents sur 5 d'enfants âgés de moins de 15 ans envisageaient de réduire la voilure concernant les activités de leur progéniture. et près de la moitié d'entre eux a déjà restreint les sorties au restaurant, 23 % ont prévu de le faire et 27 % les avaient déjà supprimées. Raison de plus pour soigner leur accueil, insiste Frédéric Martz, cofondateur de Welcome Family : « Si une famille ne peut s'offrir une sortie au restaurant qu'une fois dans l'année, il faut que tout soit parfait, pour leur laisser un bon souvenir et l'envie de revenir quand leur budget le leur permettra. »

Comme en collective, séduire les papilles des plus jeunes passe bien sûr parle contenu de l'assiette, avec la plupart du temps deux options, même chez les gastros. À commencer par un menu dédié, qui doit décliner l'identité de l'établissement. À l'Oustau de baumanière, trois étoiles au Michelin, le menu « pas pour les grands » propose aux enfants des plats connus et appréciés comme le poulet accompagné de purée, qui doit être une expérience mémorable. D'autres, comme Vincent Favre-Félix, à Annecy, optent, eux, pour la même proposition que pour les adultes, mais en plus petites portions. Mais l'expérience, pour un enfant, ne se joue pas que dans l'assiette. Comme le confirme Frédéric Martz : « Nous sommes partis d'un constat simple : contrairement à d'autres pays, comme en Amérique du Sud, il était, ou est encore, beaucoup trop fréquent de devoir changer son bébé sur une banquette, devoir le garder sur ses genoux, le faire manger et l'occuper comme on peut. » l'entreprise, spécialisée à la base dans les goodies publicitaires, crée donc ses propres collections à destination de sa clientèle, avec rapidement une chaise bébé empilable en bois « aux normes collectives européennes » , souligne l'entrepreneur provençal, qui se souvient avoir démarché les restaurateurs indépendants de la région, avant d'être contacté par Courtepaille. « Cela nous a mis le pied à l'étrier pour adresser les enseignes, avec un package complet comprenant aussi bien des équipements que des produits d'accueil. »

Car optimiser cet accueil de la jeune clientèle et des familles « est un formidable outil de fidélisation » , souligne Frédéric Martz. Pour ce faire, les clients de Welcome Family ont le choix entre deux options : piocher dans le stock ou faire fabriquer à leur effigie pour en faire un marqueur, à l'image de la chaise de McDonald's depuis 2014, déployée jusqu'aux Philippines. « Welcome Family se positionne comme défenseur des enfants, et propose des solutions à des entreprises de l'hôtellerie-restauration qui souhaitent développer leur business : quand le menu augmente jusqu'à 12 euros en moyenne, cela ne coûte pas grand-chose d'y mettre de la valeur ajoutée, qui sera perçue comme telle par un enfant de plus en plus prescripteur. » et qui impose de nouvelles contraintes, comme le refus du genre. « Le jeu totalement mixte, c'est le nouveau défi! » Ainsi, en ces temps où chaque centime compte et parce que le cadeau n'est peut-être plus l'argument principal de la visite - Burger King, par exemple, donne le choix de ne pas prendre de surprise, et d'alléger le ticket de 0,50 € -, Welcome Family se veut « un laboratoire pour tester des nouveautés » , particulièrement depuis la loi Agec, qui depuis le 1er janvier 2022, interdit d'offrir un jouet en plastique dans les menus enfants. McDonald's avait pris les devants dès 2015 en proposant un livre dans son Happy Meal, avec un succès qui l'a poussé, avec les Mercredis à lire, à offrir un album jeunesse chaque premier mercredi du mois en plus de chaque jouet ou livre offert avec le menu enfant. une culture du papier qui lui a fait prendre de l'avance sur l'interdiction, en se passant du plastique depuis 2021.

Le divertissement pour credo

« Si le coloriage est toujours aussi efficace, les chaînes font face à la problématique du renouvellement , souligne Frédéric Martz. C'est pourquoi nous développons également des jeux. » en s'imposant une contrainte : « Ils doivent être très faciles à appréhender. » Sinon l'offre devient contre-productive et ne fluidifie pas l'expérience. l'entreprise, qui emploie une vingtaine de collaborateurs, dispose d'une équipe créative, qui sort des nouveautés chaque trimestre. Avec un positionnement assumé : « On essaie de ne pas faire de digital, mais plutôt soigner les valeurs sûres, dans une approche ludo-éducative. » Welcome Family ne s'est pas pour autant détournée de la cible des indépendants : « On est capable de faire le grand écart, du tacos au gastro » , sourit le dirigeant, pas peu fier de pouvoir proposer du sur-mesure comme pour la Chèvre d'or, hôtel-restaurant de luxe à Eze (06).

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Le digital, c'est l'ADN de la société lilloise Kylii kids, qui reprend cette phrase de la psychologue américaine Kay Redfield Jamison : « Les enfants ont besoin de liberté et de temps pour jouer. Le jeu n'est pas un luxe, c'est une nécessité. » Son offre différenciante : des espaces interactifs à l'image de sa dernière réalisation pour le compte de Flunch, qui a dévoilé un nouveau concept remarqué dans son restaurant du centre commercial de Roncq, dans le Nord, avec de vastes zones de jeux dédiées aux enfants. « Nous avons décidé de mettre en place de nouvelles expériences physiques et digitales. Et surtout multijoueurs, intergénérationnelles et qui favorisent l'échange », détaille Prisca Galvez-Behar, responsable marque, partenariats et expérience famille chez Flunch. en s'éloignant du modèle de cafétéria pour se rapprocher de celui du food court, l'enseigne se transforme en lieu de divertissement… et de destination pour les familles. Mur interactif et table tactile ont ainsi été choisis par Flunch pour assurer l'eatertainment de sa jeune clientèle. le premier propose une expérience immersive sur un simple mur qui s'anime et devient tactile grâce à une vidéo-projection interactive; le second un moment collaboratif autour d'un jeu qui peut accueillir jusqu'à six participants pour jouer ensemble, avec ses nouveaux amis d'un repas ou ses proches.

« Cette notion d'expérience positive via le partage est prégnante, souligne Antoine Nuger, CEO de Kylii kids. Avec les nouveaux modèles familiaux, beaucoup de parents ne voient pas leurs enfants tous les jours. Il est important, a fortiori en ces temps d'inflation, de tout faire pour leur offrir une expérience positive. » Avec des solutions « modernes, qui ne constituent pas une contrainte pour les directeurs opérationnels », déployées dans d'autres grandes enseignes familiales comme Hippopotamus, « dont nous accompagnons la transformation avec nos tables ludiques mais intelligentes ». Et qui invite à prolonger l'expérience et les échanges à la maison autour de thèmes comme la nutrition et la protection de l'environnement.

La VAE s'y met aussi

Car « l'expérience client enfant » n'est pas cantonnée à la restauration à table. Dans le sillage de Pokawa il y a deux ans, Sushi shop, qui réalise la plus grosse partie de son chiffre d'affaires en vente à emporter, réfléchissait depuis un moment à une façon d'adresser ce public, comme l'explique Yael Toledano, directrice marketing, communication et digital, « au vu de l'appétence des enfants pour les sushis qui remontent dans nos retours clients, notamment sur les réseaux sociaux ». l'enseigne a saisi l'occasion de sa nouvelle collaboration avec l'artiste Lili Scratchy, illustratrice de livres pour la jeunesse, pour lancer sa première box spécialement pensée pour les enfants. « C'était le moment, avec cet univers graphique. » À côté de la box illustrée par l'artiste, la nouvelle offre est proposée en deux versions suivant les goûts : une saumon et une thon cuit.

« Les enfants ont peu d'a priori sur le poisson cru, mais nous avons tenu compte des recommandations d'éviter sa consommation avant l'âge de trois ans. » l'aspect nutritionnel n'a pas été négligé : « Les deux versions sont autour de 500 calories, et nous avons fait le choix de privilégier l'eau plutôt que le soft, au profit d'un dessert gourmand. » et pour faire comme les grands, à la manière des baguettes adaptées aux petites mains, avec un clip amovible, et une planche de stickers Lili Scratchy pour ces premières semaines, tout comme le sticker qui scelle cette petite boîte en kraft. « L'idée est de pérenniser le produit, pour créer de nouvelles occasions et, sourit Yael Toledano, éviter certaines négociations plus ou moins agréables ! »

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