Restaurant-épicerie, le duo gagnant

ENCARNA BRAVO

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Doter son restaurant d'une épicerie : une tendance qui ouvre de nouveaux horizons aux restaurateurs. Le moyen de créer du chiffre d'affaires additionnel en attirant une clientèle interessée par l'achat de produits, sans forcément passer à table.

Didier Trentacosta est un hédoniste, amoureux des bons produits. Il est aussi un entrepreneur avisé. En reprenant le Comptoir du Saumon, il a revu le concept, la gestion, les fournisseurs, injecté des capitaux, insufflé du crédit et une nouvelle image. En 2006, les magasins sont rebaptisés Autour du Saumon. Les entrées du restaurant et de l'épicerie sont bien distinctes, avec la possibilité de circuler d'un espace à l'autre. Le consommateur est ainsi libre de s'attabler et/ou d'acheter des produits. Didier Trentacosta mise sur une sélection rigoureuse des meilleurs produits : caviars, taramas, harengs, poutargue... et une gamme de 20 vodkas. Son chiffre d'affaires est réparti équitablement entre l'épicerie et le restaurant.

Un succès qui prouve que même en période de crise, les consommateurs ne sont pas prêts à renoncer aux plaisirs gastronomiques longtemps réservés à quelques privilégiés. Comme pour exaucer les voeux de ces gourmets et gourmands fleurissent depuis plusieurs années des restaurants-épiceries, qui conjuguent la vente de produits d'épicerie fine et de restauration. Des produits généralement haut de gamme, et donc assez onéreux. La vente au poids, à l'unité ou en petite quantité les rendent toutefois plus accessibles, avec un dénominateur commun : la qualité. Car tous ces espaces mettent un point d'honneur à la sélection de leurs fournisseurs.

Une clientèle à apprivoiser

Bread et Roses a initié le mouvement à Paris il y a dix ans. Le concept s'articule autour d'une boulangerie, d'une pâtisserie, d'une épicerie, d'une cantine chic, où l'on peut déguster des produits d'épicerie fine et se restaurer avec des burgers et des sandwichs fabriqués sur place. L'idée étant de réinventer l'épicerie-traiteur de quartier où l'on passe chercher son pain, quelques fromages, une confiture, une salade cuisinée, une tarte salée... Des produits sélectionnés en France, mais aussi en Grande-Bretagne, en Belgique, en Espagne, au Portugal... L'offre est étudiée pour chaque moment de la journée.

Parmi ceux qui ont opté pour la thématique du terroir : le KB, comme Kremlin-Bicêtre (94), ouvert en octobre dernier. Il se définit comme un restaurant-épicerie-cave à vin (180 m²), imaginé dans un esprit néo-bistrot. Le créateur Christophe Legros met autant de soin à sélectionner ses vins, issus de petits propriétaires et de petits récoltants, que ses fromages, ses charcuteries ou ses jus de fruits. Pour le restaurant, le chef Antoine Versini, qui a officié à la Tour d'Argent et chez Alain Senderens, travaille des produits frais et réalise lui-même ses fonds de sauce. Si sa carte est très tournée vers le bistrot (rillettes de canard, roquette, rascasse-asperges blanches et chorizo ; faux-filet de veau et purée huile d'olive...), il propose aussi deux plats du jour (viande et poisson). L'activité restauration assure 90 % du chiffre d'affaires. « À croire qu'en France, les clients ne sont pas encore familiarisés avec ces doubles concepts. Les habitants du quartier n'ont pas le réflexe d'entrer juste pour acheter de la charcuterie. Mais les clients du restaurant apprécient de pouvoir acheter un produit qu'ils y ont découvert. Comme une espèce de réserve... »

Une « élégance épicurienne »

Si les établissements qui revendiquent des produits du terroir français se portent bien, d'autres entrepreneurs investissent ce créneau en misant sur d'autres patrimoines culinaires. C'est le cas de Fine Lalla ?(1), la « première enseigne de gastronomie marocaine rapide et de qualité », qui a récemment ouvert à Paris, à deux pas de l'Opéra. Un concept-store à l'univers gourmand de 100 m², qui fait découvrir le Maroc autrement. En revisitant les codes orientaux et en attisant la curiosité, « nous avons voulu imaginer l'adresse anti-blues des Parisiens en mal de soleil et d'ondes positives », racontent Medhi Draoui et Youssef Ben Saad, les fondateurs. Une restauration marocaine version nomade, loin des clichés. Dans cette ruelle sont proposés une trentaine de « best of » de la gastronomie marocaine, dont le sandwich de tajine, exemple de produit adapté aux nouvelles attentes et contraintes des consommateurs parisiens.

Tous les acteurs de ce segment jouent la carte du « sourcing » de produits de qualité. Artisan de la Truffe (Groupe Bertrand) fait partie des établissements qui ont osé le produit haut de gamme par excellence. Une nouvelle signature et une modernité de positionnement pour le « diamant noir ». L'enseigne s'adresse aux novices comme aux amateurs confirmés. La rénovation de la Grande Épicerie de Paris a été l'occasion de créer un corner « à l'élégance épicurienne ». « Dans la grande tradition des marchés ibériques, où la dégustation se fait aussi sur place, nous avons aménagé un bout de zinc dédié à la restauration. Parmi les meilleures ventes du comptoir, le velouté de châtaignes et les ravioles à la truffe d'été. Une soupe, deux sandwichs et deux salades complètent cette offre de snacking "chic" à emporter », explique Franck Galet, directeur général.

Un marché dynamique et porteur

Les Grands d'Espagne s'inscrit aussi dans cette tendance, avec une particularité. La deuxième adresse, au 36, rue des Martyrs (Paris 9e), c'est d'abord une épicerie de vente à emporter : sandwichs préparés sur place avec des produits de la boutique. Le meilleur de la gastronomie espagnole. « Nous proposons des cornets de pétales ou un sandwich pur Pata Negra(2) à l'huile d'olive et fleur de sel, le croquant de la baguette sublime le fondant du jambon, relevé par le fruit d'une huile d'olive parfumée, explique José Luis Bilbao. Le lieu est aménagé tel un écrin de bijoutier, pour exposer ce trésor espagnol. »

L'enquête 2013 réalisée pour la 3e édition du salon Gourmet Sélection confirme, « dans un contexte économique difficile, que ce marché de l'épicerie fine est dynamique et porteur. Et reflète une tendance de consommation nouvelle et prometteuse ».

(1) Fine Lalla ? a remporté le 2e prix de l'édition 2012 du Grand Prix des jeunes créateurs du commerce, avec une dotation de 400 000 E équivalant à un point de vente dans un centre commercial Unibail-Rodamco. C'est aux 4 Temps, à La Défense (92), que l'ouverture d'un deuxième établissement est prévue d'ici à la fin de l'année.

(2) L'appellation Pata Negra a été créée par le décret royal du 11 janvier 2014. Pour qu'un cochon reçoive cette appellation, il doit être de race 100 % Iberico, élevé en liberté dans des Dehesas (domaines de chênes) et nourri exclusivement de glands de chêne (bellota).

« Les habitants du quartier n'ont pas le réflexe d'entrer juste pour acheter de la charcuterie. Mais les clients du restaurant apprécient de pouvoir acheter un produit qu'ils y ont découvert. Comme une espèce de réserve.... » Christophe Legros, créateur du KB (94)

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