Sur un marché des substituts végétaux qui s’est peuplé ces dernières années à vitesse grand V, Seafood Reboot tranche, concentrée sur l’élaboration d’alternatives aux produits de la mer. Retour avec Simon Ferniot, CEO de la foodtech, qui a récemment levé 3,2 millions d’euros, sur les ambitions de Seafood Reboot, sa feuille de route, et sur une stratégie passant clairement par la case hors-foyer.
Sur quelles convictions vous êtes-vous lancé dans Seafood Reboot ?
J’ai toujours été attiré par l’alimentation et plus précisément, par tout ce qui peut finir par former des frontières entre alimentation et santé. C’est ce qui nous a amenés à lancer Boco avec mon frère Vincent, autour d’une proposition fast-food toujours abordable mais bio, ce qui m’a poussé aussi à monter Biogroupe, spécialiste du Kombutcha, avec Laurent Coulloumme-Labarthe. Et c’est ce qui nous emmène avec François Blum et Alvyn Severien sur Seafood Reboot, qui va apporter au marché des produits végétaux alternatifs aux produits de la mer. Nos sociétés sont aujourd’hui à la croisée des chemins sur leurs modèles alimentaires, avec une prise de conscience croissante de l’impact de nos choix dans l’assiette. C’est très net sur les protéines animales terrestres, et cela arrive sur les produits de la mer, en raison de la pollution des océans, de la surexploitation des ressources marines, qui menace 9 espèces sur 10, à cause aussi de mises en garde répétées sur la consommation de poissons prédateurs, contenant actuellement des quantités de métaux lourds dangereuses pour l’alimentation. Cette prise de conscience-là fait son chemin, chez les professionnels et leurs clients, et c’est tout l’enjeu de Seafood Reboot que d’y apporter une réponse, sur les enjeux de végétalisation de l’assiette, comme sur le goût et le plaisir qu’il y a à consommer des produits de la mer.
Avec, pour ces alternatives, l’intérêt et l’originalité d’utiliser des ressources marines…
Utiliser des algues dans l’élaboration de nos produits végétaux nous est apparu comme une évidence. Dans le terme Foodtech, il ne faut pas oublier le food, et cette relation intime, émotive, à un produit qui est là pour donner du plaisir à celui qui le consomme. C’est essentiel pour rentrer dans les habitudes, et c’est un peu ce qui, à mon sens, manque à l’offre de meat substitutes développée ces dernières années. Il est difficile de fidéliser des consommateurs qui se passent de viande par conviction avec des produits portant 5 marqueurs d’ultra-transformation. Nous voulons proposer des alternatives qui soient bonnes, avec des listes les plus courtes possibles, et utilisant des ingrédients 100% naturels. Dans les compositions et les recettes, cela va se traduire de mille manières, en mettant par exemple en œuvre de l’agar-agar pour chercher des textures, de l’asthaxantine, un pigment issu de micro-algues, pour le beau rose-orangé d’un substitut de saumon fumé, ou des huiles de micro-algues, très riches en oméga 3, pour apporter du gras à nos produits. Il y a une incroyable richesse dans les ressources végétales marines qui, elles, sont encore sous-exploitées, notamment les macro-algues. Nos premiers produits vont intégrer entre 15 et 20% d’ingrédients issus de la mer, en particuliers huiles, colorants, gélifiants. Mais l’idée est de faire grimper ce ratio, en tirant par exemple parti des protéines d’algues, on peut arriver sur certaines souches à 40% de protéines. Il y a sur ce point un enjeu de filière, pour des algues qui n’ont pas été intégrées au répertoire culinaire français et européen, même si l’on en consomme épisodiquement via les sushis et soupes miso. Nous voulons prendre une part active dans le développement de la protéine d’algues en France, en apportant des débouchés à ceux qui la travaillent.
Justement, quelle est la feuille de route de Seafood Reboot ?
La levée de fonds que nous venons de réaliser nous permet de renforcer nos moyens en R&D, avec une équipe de 7 personnes, pilotée par Isabelle Chambaud, en provenance de Danone, dont la rigueur scientifique et l’expérience de l’innovation sont essentielles au projet. Nous allons être en mesure de présenter notre premier portefeuille de produits végétaux en septembre prochain, concrètement des alternatives au saumon fumé, à un thon cuit et à un tarama, pour un lancement début 2023. La première ligne de production, disposant d’une capacité de 20 tonnes par mois, sera opérationnelle mi 2023, sur un site identifié à Boulogne-sur-mer, au cœur d’un écosystème tourné vers les produits de la mer, du côté du port de pêche, le plus important en France, mais aussi des transformateurs. Nous espérons voir nos produits dans les rayons en GMS d’ici fin 2023.
Et dans le hors-foyer ?
Il est central dans notre stratégie, puisque nous allons d’abord commencer par le foodservice avant d’aller vers les marchés grand public. Les professionnels ont une vraie demande sur des alternatives aux produits de la mer. Ils sont en première ligne pour constater à la fois la raréfaction de la matière première, son impact sur les prix, sans qu’il y ait la moindre perspective d’amélioration à moyen-terme. Les opérateurs, dès aujourd’hui, veulent travailler sur des alternatives pérennes, tout en étant très ouverts aux innovations produits. Pour nous, il y a évidemment du sens à se lancer en adressant d’abord des besoins où les commandes sont massifiées, mais cet intérêt partagé va plus loin. Nous réfléchissons d’ores et déjà avec notre pôle R&D et innovation à l’étape d’après. Les substituts, correspondent pour nous à une phase de transition, où par l’aspect, les textures, le goût, proches d’ingrédients bien identifiés, nous allons arriver à faire rentrer nos produits, issus des algues, dans une consommation quotidienne. Demain, les consommateurs iront sur notre offre pour le végétal, pour les apports protéiques et pour des saveurs marines. Il y a un vrai enjeu d’appropriation, d’exploration aussi d’un champ nouveau de goûts et de couleurs, sur lequel la créativité des chefs va être essentielle. Ils travaillent déjà avec nous sur cette phase d’après, et ses nouvelles catégories de produits. Propos recueillis le 2 juin 2022