Umiami, spécialiste des alternatives végétales à la viande, vient d’officialiser une levée de fonds de 26,5 millions d’euros, la plus grosse série A de ce secteur en Europe. La réalisation de ce financement, mené auprès par Astanor Ventures, suivie par Redalpine, French Partners et soutenue par ses investisseurs historiques VERSO Capital, Newfund et le fonds French Tech Seed, porte à 30 millions d’euros le total des fonds levés en deux ans par l’entreprise. Un intérêt du marché lié entre autres au procédé de texturation des protéines végétales, unique au monde, mis au point par la start-up. Explications avec Martin Habfast, cofondateur d’Umiami.
A quels objectifs répond pour Umiami la levée de fonds officialisée ce matin ?
Cela va nous permettre de franchir une étape essentielle de notre développement en faisant passer le cap de l’industrialisation à notre procédé de fabrication d’alternatives végétales à la viande. Nous allons d’abord ouvrir un centre de R&D industriel à Villebon-sur-Yvette, où nous mettons en service notre première ligne de production dans deux mois. Puis nous déploierons des capacités plus importantes, avec l’ouverture d’une usine en France, prévue pour 2023, qui sera capable à terme de produire 15 000 tonnes de viandes végétales par an, avec à la clé 200 emplois créés en local. Contribuer à notre échelle à un changement des habitudes alimentaires pour réduire notre empreinte environnementale nous tient à cœur, réindustrialiser les territoires et y apporter des emplois aussi.
Le marché des meat substitutes est néanmoins déjà peuplé. De quelle manière comptez-vous y prendre des positions ?
Il y a effectivement déjà beaucoup de marques positionnées sur les alternatives végétales à la viande. La plupart des fabricants ont recours à la technique de l’extrusion pour obtenir des produits imitant la viande, mais cette technique ne permet que d’obtenir des produits hachés (type saucisse, steak, nuggets) ou de très petites pièces (effilochées). Et elle suppose l’ajout d’agents de texture artificiels, comme la méthylcellulose, pour obtenir des textures et une mâche proches de la viande. Ces ingrédients ne présentent pas de dangerosité et apportent une qualité de restitution réelle. Ils rallongent aussi considérablement des compositions, une trentaine d’ingrédients en moyenne, qui finissent par désorienter les consommateurs. C’est sur ce point que nous apportons une proposition nouvelle, avec notre premier filet végétal, qui recrée l’expérience de dégustation d’un blanc de poulet, et n’utilise pour cela qu’une dizaine d’ingrédients, sans avoir recours aux agents texturants. Pour y arriver, nous avons développé un procédé de texturation unique au monde, s’appuyant sur les propriétés naturelles des ingrédients, que nous soumettons à différentes forces mécaniques pour obtenir une texture fibreuse, où l’on sait maîtriser la taille, l’épaisseur et la direction des fibres. Il y a derrière ce procédé, breveté, deux ans et demi de R&D, le travail d’une vingtaine de chercheurs et d’ingénieurs à plein temps, des partenariats techniques noués avec AgroParisTech et l’Inrae. L’objectif maintenant est de l’industrialiser, pas pour lancer sur le marché une marque de plus, mais au contraire le mettre au service des spécialistes des alternatives végétales en marque blanche, ou à façon pour des acteurs de la restauration.
Avec déjà, de premiers partenariats BtoB en ligne de mire ?
Nous avons effectivement de nombreuses discussions en cours, et de premiers partenariats que nous allons annoncer lors de la mise en service dans deux mois de notre première ligne de production, installée dans notre centre R&D. Elle disposera d’une capacité de 100 kg par heure, et nous permettra de lancer nos premiers produits commerciaux sur le marché, en GMS mais aussi d’ici la fin de l’année en restauration, notamment dans le QSR, en France comme à l’international. Nous identifions le hors-foyer comme une clé de voûte de notre développement. Ses opérateurs sont déterminants pour faire connaître le produit et l’adopter.
Produit que vous vous apprêtez à diversifier, en travaillant de nouvelles catégories de meat substitutes ?
Dans notre industrie, le plus difficile à maîtriser, c’est la texturation des protéines végétales. Nous y sommes parvenus, avec le moins de transformation possible, et un produit dont les valeurs nutritionnelles, comme la liste courte d’ingrédients, sont des marqueurs à valoriser auprès des consommateurs. Nous entrons maintenant dans une seconde phase, moins complexe, de diversification de l’offre, par des arômes naturels différents, des ajouts de gras ou de sel. Nos équipes R&D travaillent actuellement sur le sujet, pour proposer très bientôt de nouvelles références, au-delà de la volaille..
Quid du sourcing de vos matières premières ? Est-il arrimé sur les filières françaises ?
Nous avons actuellement un sourcing européen, tout ce dont on a besoin, comme le soja, ne se trouve pas nécessairement en quantités ou qualité suffisantes en France. Nous travaillons néanmoins à orienter nos approvisionnements le plus possible vers la France, et sommes d’ailleurs en discussions avec un industriel de l’agroalimentaire pour favoriser une démarche de filière hexagonale autour du soja. Les besoins à adresser sont énormes, et nous soutenons vivement les initiatives de développement de ces filières en France. Propos recueillis le 5 avril 2022.