Point de vue d’expert - La RHD en première ligne pour inventer la convivialité de l’après-Covid-19

SABINE DURAND

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Point de vue d’expert - La RHD en première ligne pour inventer la convivialité de l’après-Covid-19

Manger hors de chez soi, avec d’autres, des produits cuisinés par quelqu’un d’autre est un des plaisirs les plus courants des Français. Il sera le dernier à redevenir possible après le confinement. Comment reconstruire une culture du partage après le Covid ? La RHD est en première ligne pour l’inventer. Et les rêves des Français sont la meilleure – la seule ? – matière première disponible pour la modeler comme l’expliquent à Néo Diouldé Chartier /Isabelle Guimard du Collectif Carré Cardinales.

Une pandémie, c’est la rencontre entre une maladie (un agent infectieux) et la sociabilité humaine, faite de contacts, de transmission d’objets entre les personnes, avec les valeurs et les émotions qu’ils portent.

La RHD, c’est la rencontre entre le besoin le plus essentiel – se nourrir – et la sociabilité humaine : manger en compagnie d’autres personnes, en salle, en terrasse. Ou encore manger chez soi, ou sur son lieu de travail, seul ou à plusieurs, avec ses mains ou des couverts. En piochant tous dans le même plat ou chacun dans son assiette. Tous ces gestes et ces aliments que l’on partage sont les supports les plus universels de la confiance envers autrui, de l’intérêt qu’on lui porte, de ce qu’on lui donne et que l’on désire recevoir de lui.

Rappeler ces deux évidences donne une idée de la mesure dans laquelle la RHD sera durablement impactée par la crise du Covid-19.

Tous ses fondamentaux sont ébranlés : la confiance dans l’innocuité des produits que le consommateur ingère, et dans l’hygiène de ceux qui les ont touchés ; la distance physique entre les personnes ; les gestes qu’on a dû désapprendre, ce qu’on a appris ; les peurs qui resteront ancrées, même une fois la pandémie maîtrisée. Tout cela va modifier la sociabilité elle-même, tant au plan des valeurs que des usages qui l’incarnent.  Au-delà des dimensions directement liées à la restauration, les métiers de la RHD se sont structurés en fonction d’un certain rapport des individus au temps (libre ou contraint), au travail, à la commensalité, à l’origine fonctionnelle (traçabilité) et imaginaire (recettes, noms…) des produits, et bien sûr à la santé. L’impact du Covid-19 sur l’ensemble de ces sphères pourrait bien ricocher sur le secteur et recomposer les attentes.

La RHD en première ligne pour bâtir la culture de demain

Chaque crise ou révolution majeure (y compris la révolution digitale) accouche d’une nouvelle culture, portée par de nouveaux imaginaires qui modifient les comportements les plus quotidiens. Bien malin qui peut dire quelle place aura la RHD dans la culture collective née de l’après-Covid-19. Ni quelles entreprises en sortiront indemnes ou renforcées, et lesquelles seront durement touchées. Or la plupart des acteurs du secteur ont des immobilisations coûteuses et emploient du personnel. Ils ne peuvent pas s’offrir le luxe d’attendre de voir les usages qui émergeront quand la crise sera derrière nous. D’autant que, en réalité, cette place sera celle que les acteurs bâtiront, en cohérence avec les nouveaux imaginaires et aspirations de leurs publics cibles. Précisément parce qu’ils traitent des besoins fondamentaux, les acteurs de la RHD sont en effet en première ligne … « Dis-moi comment tu manges, je te dirai comment tu vis, à quoi tu crois, comment tu aimes ». La convivialité et la commensalité sont des vecteurs de joie et de bien-être pour les individus, de cohésion pour la société. Être partie prenante de la construction de cette nouvelle culture est pour certains acteurs (mais lesquels ?) une question de survie. C’est surtout pour l’ensemble de la « communauté RHD » une mission enthousiasmante, riche de sens, que d’inventer la convivialité du monde d’après.

Quelles tendances pour l'après ?

Le dernier congrès Néo en décembre 2019 a rendu compte de l’intensification des changements déjà à l’œuvre dans la RHD (cuisines fantômes, livraison à domicile, suppression des emballages plastique à usage unique…) avant la crise sanitaire. Le Covid-19 aura sans doute accéléré certaines tendances, en aura freiné d’autres, et modifié la trajectoire de la plupart d’entre elles. Pour les entreprises, le temps stratégique s’est rétréci et a rejoint le temps du pilotage du quotidien. Chaque entrepreneur doit penser en même temps et en cohérence, la refonte de la proposition de valeur de sa marque pour redevenir pertinent après le confinement, et l’approvisionnement du lendemain, le protocole d’hygiène et la gestion du personnel. Dans ce contexte, l’observation des dernières tendances du secteur et des concurrents ne suffit pas à éclairer la prise de décision. Quant aux tendances sociologiques de fond, la plupart des instituts qui les recueillent reconnaissent humblement qu’elles sont, pour le moment, bien peu lisibles.

Finalement, en temps de crise, l’imaginaire est la donnée la plus stable sur laquelle on peut s’appuyer. Quand la ressource économique se raréfie et qu’il faut bien sacrifier des usages et des envies, ce sont les rêves que nous abandonnons en dernier. Le monde que les Français rêvent, c’est celui qu’ils s’efforceront de faire advenir. Quelles nouvelles envies cette expérience de privation a-t-elle fait naître chez les consommateurs ? quelles petites lumières ont allumé dans leur tête les modes de vie qu’ils ont expérimenté, bricolé, imaginé sous la contrainte du confinement ? Ces rêves sont-ils la conscientisation d’aspirations latentes qui préexistaient (comme par exemple dans le domaine du développement durable, exacerbé par le sentiment de vulnérabilité de l’espèce humaine) ? Y en a-t-il de tout à fait nouveaux ?

C’est en comprenant les imaginaires nés de la crise que les entreprises de la RHD peuvent commencer à retisser une sociabilité compatible avec le présent, et capable d’emmener les consommateurs vers un futur désirable.

Une étude sur l’imaginaire de l’après-confinement

Diouldé Chartier-Beffa, fondatrice de D’CAP Research, mène actuellement l’observatoire Désirer Demain, une étude sur l’imaginaire de l’après-confinement. Spécialiste de la RHD, Isabelle Guimard, du cabinet Labor Action, apporte l’expertise sectorielle à l’analyse de cette étude. Toutes deux sont membres du collectif Carré Cardinales qui consacre ses travaux aux facteurs de succès des innovations dans l’alimentaire. 

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