Pour les patients atteints de cancer, manger est souvent une vraie souffrance. Comment les aider à se nourrir tout en respectant leur liberté et leur identité ? Une diététicienne et un chef cuisinier livrent leur vision.
Les effets des chimiothérapies sur l'alimentation ne sont pas vraiment « secondaires » : nausées, vomissements, perte du goût ou encore dérèglements ORL altèrent l'appétit et la capacité de manger, entraînant un risque de dénutrition. Or celle-ci peut avoir de graves conséquences : les traitements deviennent plus toxiques, ce qui réduit leur efficacité. Comment, alors, maintenir un niveau nutritionnel adéquat tout en tenant compte de ces limitations à la prise alimentaire ?
Respecter les goûts du patient
Les diététiciens abordent la question par divers moyens. « D'abord, nous fractionnons les repas : les petites portions permettent de finir l'assiette, ce qui est gratifiant pour les patients. Nous essayons aussi de favoriser le goût et l'appétit en proposant des plats que la personne apprécie, en utilisant des aromates et des sauces, en adaptant les textures, en soignant les présentations... Sur le plan nutritionnel, nous enrichissons les préparations pour maintenir les apports en calories, protéines, calcium et vitamine D. Si nécessaire, nous ajoutons des compléments alimentaires à prendre par voie orale. Nous tenons toujours à ce que ce projet thérapeutique soit réalisé en accord avec le patient et dans le respect de ses habitudes alimentaires. C'est fondamental pour sa qualité de vie et la réussite de son traitement », explique Magali Pons, cadre de santé diététicienne au centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy, à Villejuif (94).
Modifier les textures
En cas de difficultés de mastication ou de déglutition, le recours aux textures modifiées est nécessaire. Mais leur aspect et leur goût ferment l'appétit. En 2013, Frédéric Tissot, chef cuisinier au centre de lutte contre le cancer Georges-François-Leclerc, à Dijon (21), a eu une idée : réaliser des plats traditionnels mixés en trompe-l'oeil. Pour cela, il a travaillé avec Cuisine Innovation, une société de recherche en technologies culinaires. « Grâce aux techniques de gélification de la cuisine moléculaire, nous avons pu restituer en recettes mixées le même visuel et la même saveur que ceux des recettes non mixées. Une patiente a dit un jour en voyant arriver sa tarte au citron que ce devait être une erreur de la cuisine... Ça m'a fait vraiment plaisir ! »
Une quinzaine de patients du centre mangent mixé. Pour l'instant, ils bénéficient de ces menus les week-ends et les jours de fête ; à terme ce sera au quotidien. La démarche a été présentée à Unicancer, la fédération des centres de lutte contre le cancer. Espérons qu'elle s'étende...