Lutter contre la dénutrition à l’hôpital

ENCARNA BRAVO

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Le centre hospitalier d'Albertville-Moutiers (73) se mobilise contre la dénutrition des personnes âgées. La réduction du jeûne nocturne figure parmi les priorités de Mireille Bertrand, cadre supérieur en gériatrie.

Déjà en 1997, le rapport Guy-Grand tirait la sonnette d'alarme sur la dénutrition à l'hôpital. Depuis cette prise de conscience nationale, les initiatives se multiplient pour tenter de résorber ce fléau qui touche majoritairement les personnes âgées. Un niveau de sous-nutrition souvent décelé lors de l'admission en établissement de soins et qui ne peut s'améliorer si le jeûne nocturne se révèle supérieur à douze heures.

Dans les services de gériatrie du centre hospitalier d'Albertville-Moûtiers, un projet destiné à réduire le temps entre le dîner et le petit déjeuner a été mis en oeuvre. Le corps médical et le médecin coordinateur avaient signalé les dysfonctionnements en matière de répartition des repas au cours de la journée. Un protocole de dépistage a été mis en place en 2002, avec pesée au moment de l'admission, évaluation du taux de dénutrition et suivi mensuel du poids.

Raccourcir le jeûne nocturne

Le centre hospitalier a profité de l'opportunité offerte par la Meah(1) pour se faire accompagner dans son projet. À savoir : repositionner les horaires du dîner et du petit déjeuner pour réduire la durée du jeûne nocturne. Et uniformiser l'organisation et les horaires de distribution des repas dans l'ensemble des services de gériatrie du centre hospitalier d'Alberville-Moutiers. « En gériatrie, l'alimentation est une priorité, car elle constitue un soin, commente Mireille Bertrand, cadre supérieur de santé en gériatrie. Dans la mesure où le centre compte trois sites, nous avons préféré mettre en oeuvre cette démarche dans un établissement de long séjour dans un premier temps, et d'avancer étape par étape. »

C'est le cabinet EC6 d'Éric Commelin, mandaté par la Meah, qui a accompagné le projet d'établissement hospitalier. Pour l'équipe, un regard extérieur apportant une certaine objectivité était indispensable. « Dans le projet global, quatre actions de progression ont été retenues : la mise en place d'une politique de nutrition avec le Clan(2), l'élaboration des plans alimentaires et des menus, la rédaction de fiches techniques alimentaires et la réduction du jeûne nocturne, explique Céline Jeannier, diététicienne. C'est sur ce dernier point qu'ont porté tous les efforts, en synergie avec des secteurs d'activité tels que la cuisine, la diététique, les cadres soignants. »

Impliquer le personnel

L'ampleur des travaux et la remise à plat de l'organisation ont suscité un peu de méfiance dans les équipes. Sachant que ces changements devaient s'effectuer sans effectifs supplémentaires. La phase de diagnostic a permis de définir l'organisation de la fonction restauration dans chaque service de soin et de connaître la durée des différentes tâches de chaque agent (transport, préparation, distribution, soin, aide au repas, nettoyage). Les chiffres ont confirmé l'amplitude du jeûne nocturne, estimé entre 12h45 et 14 heures, avec des écarts entre deux repas parfois inférieurs à 2 heures dans la journée. Les familles et les résidents ont également été sollicités pour répondre au questionnaire.

Mais le plus innovant a été de recueillir l'avis du personnel sur le jeûne nocturne, les horaires de repas et surtout de leur demander de suggérer des idées pour adapter l'organisation du service. L'analyse des réponses a conduit à une liste des propositions discutées lors d'une journée de travail Meah. Les idées les plus pertinentes et réalisables ont été retenues, donnant lieu à plusieurs réunions entre Mireille Bertrand, Céline Jeannier et les agents de chaque service. Objectif : préparer ensemble la réorganisation. Ces échanges ont permis de bâtir un diagramme de la nouvelle organisation, résultat de la réorganisation complète de chaque poste de travail et des améliorations sur la répartition des repas.

Une baisse du taux de dénutrition

Aujourd'hui, trois sites sur quatre fonctionnent d'après la nouvelle organisation. Ce qui se traduit par la distribution des plateaux de petit déjeuner au lit avant les toilettes (6 à 8 résidents par service), la mutualisation des tâches entre agents et des moyens humains entre services, la réalisation des douches des résidents l'après-midi, l'attribution d'une partie du nettoyage aux équipes de nuit (vaisselle, sols...), la distribution de la tisane du soir par l'équipe de nuit et non plus par celle de jour, la modification des horaires de certains postes de travail, la diminution du nombre d'agents présents aux transmissions. « Parallèlement, un Clan a été mis en place, ainsi que des formations sur la nutrition dans chaque site de gériatrie », souligne la diététicienne.

Aujourd'hui, outre la diminution du jeûne nocturne, le CHAM(3) affiche l'amélioration de la répartition des repas dans tous les sites, une organisation plus performante pour les résidents et les soignants. Bien entendu, il reste encore du chemin à parcourir. Mais l'adhésion de l'ensemble des agents et leur motivation croissante laisse présager une baisse constante du taux de dénutrition.

(1) Meah, Mission d'expertise et d'audit hospitaliers créée par le ministère de la Santé en 2004. Après un appel à candidature, les établissements de santé retenus bénéficient du soutien et de l'appui de cabinets conseils sélectionnés par la Meah.

(2) Clan, Comité liaison alimentation nutrition.

(3) CHAM, centre hospitalier Albertville-Moutiers.

Son parcours

  • 1973 :  Infirmière aux Hospices civils de Lyon
  • 1979 : Cadre de santé aux Hospices civils de Lyon, service de pneumologie
  • De fin 1979 à 1981 : Enseignante à l'institut de formation d'Abidjan
  • De 1982 à 1992 : Carrière mise entre parenthèses
  • 1993 : Cadre de santé au centre hospitalier d'Albertville-Moutiers
  • 1996 à 2000 : Cadre de santé aux urgences au CH d'Albertville-Moutiers
  • Depuis mai 2006 : Cadre supérieur de santé en gériatrie du CH d'Albertville-Moutiers
3H l‘écart minimal recommandé entre deux prises alimentaires 33 des résidents sont dénutris lors de leur amission

Albertville-Moûtiers, un centre engagé

  • Les chiffres : 280 lits 4 sites géographiques 3 cuisines en liaison chaude 9 salles à manger, 9 offices hôteliers 85 ans d'âge moyen en gériatrie 72% de la restauration du centre hospitalier sont destinés aux personnes de plus de 69 ans. Durée du jeûne nocturne : entre 12 h 45 et 14 heures. Écart entre 2 repas parfois inférieur à 2 heures 
  • Ses taux de dénutrition : 36% en maison de retraite 67% en unité de soin longue durée 45% en moyenne sur l'ensemble des sites 33% environ des résidents lors de leur admission.
  • La composition du groupe de travail : Le consultant Meah, le cadre supérieur de santé, le cadre de santé, la diététicienne, deux infirmières, quatre aides-soignantes, le responsable restauration

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