Vers un Covid économique tel est le sujet de la lettre ouverte de Bruno Verjus chef étoilé de la Table (Paris 12e) adressée au ministre de l’Economie.
" On nous annonce une récession plus forte qu’en 1945, après nous avoir parlé d’état de guerre.
Le COVID-19, aux origines discutées, affole la boussole politique et clive profondément la médecine, opposant de véritables clans. S’il s’attaque à des corps, ce virus infecte tous les esprits.
Il n’est pas difficile, ces derniers temps, de lire à livre ouvert dans les communications médicales. Une intelligentzia au service des grands laboratoires y prône le management de la peur et la doctrine des grands essais. Les traitements suivront, et une politique de santé adaptée au cas par cas.
Face à elle, pour filer la métaphore de la guerre, des francs-tireurs : des résistants qui, eux, fidèles en mots et en actes au serment d’Hippocrate, soignent avec l’urgence de la situation. À ceux qui ont le loisir de le faire, ils laissent l’art du commentaire.
L’économie connaît la même scission. La crise est inévitable. Le remède, lui, s’apparente aux masques à livrer, dans un futur sans cesse repoussé, pour lutter contre le corona. Remède qui, soyons honnêtes, revient à offrir des préservatifs le jour de l’accouchement. Si ce remède se moque de l’efficacité, il est, en revanche, redoutable pour diffracter la peur et contrôler la masse. La voici malléable, prête à épouser la versatilité des théories, puisque sous cloche, confinée.
Observons les « solutions » brandies : recours aux différés de règlements — taxes, charges, loyers, gaz, électricité, impôts — et, cerise sur la gâteau, prêts à taux zéro avec la garantie de l’état (BPI) pour un an.
Ce tour de magie pourrait faire recette : demain on rase gratis, et c’est tous les jours demain.
À l’heure où l’opinion ne cesse de changer, il est aujourd’hui une certitude, indiscutable : le haut péril qui s’abat sur les petites et moyennes entreprises. Celles qui emploient et créent une économie réelle par les liquidités qu’elles produisent, et les charges et les impôts dont elles s’acquittent.
Avec vos experts, avez-vous discuté de nos conditions de confinement ? Voilà vingt jours que nous sommes seuls ou en famille — et en bonne santé. Mais également, très reposés.
Puisque les tests ont toute votre confiance, pourquoi, une fois testés, ne pas reprendre notre activité avec celles et ceux qui le veulent ardemment ? Et qui peuvent, dès demain, relancer l’économie de notre pays ? Pour, une fois au moins, traiter les causes avant de s’acharner sur les conséquences.
Ce sont ceux qui reprendront la barre, de façon motivée et médicalement sûre, qui relèveront à coup sûr l’économie et qui permettront ainsi à notre pays de retrouver sa place dans le monde.
Oui, nous voulons travailler, nous ne voulons pas faire partie des morts blanches de notre société, de toutes ces faillites et de ces dépressions qui n’attendent plus que quelques jours pour se dresser comme une armée — une armée des ombres. La France, bientôt, si nous ne refusons pas cette mort programmée.
Plutôt que périr sans combattre, nous voulons aussi devenir vos « héros », puisqu’il vous en faut.
Le drame de la pandémie nous coûtera quatre mois. Celui de l’économie, si aucune mesure n’est prise, nous coûtera quatre ans. Nous n’en avons pas les moyens.
Noam Chomsky a longuement théorisé la peur. Si elle discipline le peuple, elle indiscipline l’économie. Des principes suicidaires sont impensables pour une nation. Nous ne voulons pas d’un présent en ruines ni d’un futur en flammes.
Nous voulons travailler. Pour nos familles, pour l’amour de notre métier, et pour la France. »