© Bernard MARTINEZ
Résultat d'un travail minutieux et respectueux des sols, les vins biologiques s'inscrivent dans une tendance de fond. Ils répondent à des changements de nos modes de consommation et sont de plus en plus présents sur les cartes des vins des établissements.
Biologique, naturel, nature ou en biodynamie... le vin est plus que jamais un produit vivant réalisé par des hommes et des femmes attentifs à leur environnement. Au sens strict du terme, le vin « bio » n'existe pas. Le cahier des charges européen qui réglemente la production de raisins biologiques ne couvre pas encore la vinification. Pour être précis, on parle de vin issu de raisins de l'agriculture biologique. Un phénomène qui prend de l'ampleur. Selon le dernier baromètre de l'Agence Bio, le vin représentait, en 2008, 11% des produits biologiques consommés, contre 6% en 2006.
Vins rouges, blancs, rosés, champagnes, mousseux et crémants, moelleux et liquoreux, la diversité est de rigueur. Préparé dans un profond respect des sols et de la nature, le vin « bio » nécessite 20 à 30%de travail manuel supplémentaire par rapport à un vin conventionnel. Le viticulteur biologique fertilise la vigne avec du compost et des engrais verts. Il la protège des maladies en utilisant des méthodes préventives, et non curatives. Une démarche qui vise à renforcer les défenses naturelles de la vigne afin de la rendre plus résistante aux aléas extérieurs.
Grâce à ces méthodes, la biodiversité des sols et l'expression des terroirs sont préservées. Et les vins s'en ressentent. « Les vins nature ne sont pas classiques. Ils font ressortir un terroir, un vigneron et sa personnalité. Ils ont des goûts plus prononcés et sont un peu oxydés sur les blancs », souligne Sylvain Sendra, chef d'Itinéraires, à Paris (5e). Fréquenté par des connaisseurs, l'établissement propose près de 50% de vins nature.
DÉJÀ PRISÉS À L'ÉTRANGER
Mais le vin « bio » n'est pas standardisé. Il est donc moins stable et peut parfois dérouter le client non averti. Différent (oxydation, dépôts), il nécessite des explications. « La première qualité d'un vin, c'est d'être franc, net, honnête et digeste. Le label AB apporte une reconnaissance, mais il ne peut être le seul argument auprès des clients », précise Serge Dubs, sommelier depuis 1972 à l'Auberge de l'Ill, à Strasbourg. Le critère de choix doit être la qualité intrinsèque du produit. « La qualité d'un vin, c'est sa buvabilité, son côté peu soufré, tout comme son ressenti gustatif. Derrière une bouteille, je veux connaître le viticulteur », explique François Morabito, chef de l'Atelier du goût, à Strasbourg.
Viticulteurs, cavistes, sommeliers et restaurateurs reconnaisent que depuis deux à trois ans, la France montre un réel intérêt pour les vins « bio ». Leur qualité est désormais reconnue en France, alors qu'ils sont, depuis longtemps, prisés à l'international. « Nous assistons à une diversification de nos marchés. La région exporte ses vins vers l'Allemagne et l'Europe du Nord, mais aussi aux États-Unis et au Japon », analyse Thierry Duchênne, directeur de l'Association interprofessionnelle des vins biologiques du Languedoc-Rousillon.
LA BIODYNAMIE, UNE ÉTAPE DE PLUS
Certains vont encore plus loin. La maison Cazes a fait le choix, dès 1997, de convertir ses vignes en bio et en biodynamie (230 hectares en 2009) pour recréer un équilibre et laisser la plante s'épanouir. « Le vin en biodynamie doit exister pour les brasseries comme pour les restaurants étoilés. Depuis un an et demi, nous constatons un essor de nos ventes sur le marché de la restauration à Paris », argumente Lionel Lavail, directeur général. Une démarche durable et cartésienne. De son côté, Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde, s'est engagé dans cette philosophie en participant à l'élaboration du vin. Il a rejoint Bernard et Frédéric Duseigneur en 2004, alors que les deux frères venaient de passer l'ensemble de leur domaine (30 hectares), préservé de longue date, en biodynamie. Histoire d'apporter encore plus de force au terroir et de créer de nouvelles cuvées.
À SAVOIR
BIODYNAMIE Initiée par l'Autrichien Rudolf Steiner en 1924, elle prend en considération les influences des astres (lune, soleil, planètes) et le rythme de la nature. Elle implique la valorisation du sol et de la plante par l'utilisation de préparations issues de matières végétales, animales et minérales, telles que la bouse de vache, la silice, l'ortie, la camomille, l'écorce de chêne, le pissenlit, la valériane... ÉTIQUETAGE Depuis le 1er juillet 2005, les vins issus de raisins de l'agriculture biologique portent sur leur étiquette le logo français AB et la mention « contrôlé par + le nom de l'organisme certificateur ». RÉFÉRENTIEL ET CHARTE PRIVÉE De nombreux vignerons « bio » ont choisi de se conformer volontairement à un référentiel ou une charte privée afin que la qualité biologique de leurs raisins soit respectée tout au long de la vinification, de la conservation et du conditionnement de leurs vins. Les plus connus sont ceux de l'agriculture biodynamique (www.biodyvin.com), de la marque Demeter (www.bio-dynamie.org), et de la Fédération nationale interprofessionnelle des vins de l'agriculture biologique (www.fnivab.org). VINS « BIO » La viticulture issue de l'agriculture biologique (AB) est garantie par la réglementation européenne du 24 juin 1991*. Elle impose de notifier son activité aux pouvoirs publics ; de cultiver les vignes sans engrais chimiques, pesticides de synthèse ni OGM ; de mettre en oeuvre les règles de l'AB pendant trois ans avant de pouvoir mentionner sur l'étiquetage la mention « vin issu de raisins de l'agriculture biologique » ; d'être certifié par un organisme agréé. VINS « NATURELS OU NATURE » Réalisés dans le respect du sol, ils essaient d'être au plus près de la qualité de goût des raisins et puisent leurs particularités dans leurs terroirs respectifs. Les vignerons travaillent en respectant la nature et emploient un minimum de soufre, voire pas de soufre du tout. *CEE 2092/91 et CE 834/2007 depuis le 1er janvier 2009.
LES TENDANCES
Des vins respecteux de l'environnement qui répondent à l'évolution des modes de consommation en France et à international Des produits moins classiques et plus instables (sensibilité au transport et à la chaleur...), qui nécessitent une information auprès du client non averti, mais qui ont du caractère Des goûts plus marqués qui font ressortir le terroir et le travail du vigneron Une précision (AB ou en biodynamie) à mentionner sur la carte des vins, sans les exclure de la présentation habituelle des appellations viticoles