Longtemps, la pâtisserie fut le parent pauvre de la restauration. Ce temps est aujourd'hui révolu, et la restauration commerciale s'offre des chefs pâtissiers dont la renommée égale parfois celle des chefs.
«Tout a commencé avec Lenôtre, dans les années 70 ! » Gabriel Paillasson, pâtissier depuis cinquante-deux ans, président fondateur de la Coupe du monde de la pâtisserie, voit la dernière décennie des Trente glorieuses comme une époque fondatrice. « Beaucoup d'associations se sont alors créées, le métier s'est structuré sous l'impulsion de la Maison Lenôtre. Cette organisation s'est poursuivie jusqu'au début des années 90, avec la création, en 1995, de la Coupe du monde de la pâtisserie, qui a mis en lumière le travail des chefs pâtissiers. » Certains restaurants dont la pâtisserie n'était pas, à proprement parler, la spécialité, peuvent aujourd'hui se targuer d'avoir fidélisé leur clientèle grâce à des desserts originaux. « Notre dessert phare, la pomme soufflée, affiche un taux de prise de 65% sur l'ensemble des desserts de la carte », souligne par exemple Chrystelle Brua, au Pré Catelan (Paris 16e), trois étoiles Michelin depuis 2007. Entrée en 2003 dans l'établissement du Bois de Boulogne, la chef pâtissière reconnaît la nécessaire complémentarité entre chef et chef pâtissier : « Frédéric Anton est ici chez lui. Notre collaboration est néanmoins basée sur un dialogue constant, afin de proposer une offre cohérente. »
Mais où cet engouement pour les desserts de pâtissiers en restauration prendrait-il sa source ? Pour Christophe Michalak, vainqueur de la Coupe du monde de la pâtisserie 2005, dont le parcours affiche les beaux noms de Ladurée, Pierre Hermé, ou Plaza Athénée, « il y a toujours eu des chefs pâtissiers dans les cuisines. Sauf qu'aujourd'hui, cela se voit, notamment grâce aux réseaux sociaux, qui font exploser la communication. Tout se transmet plus vite. »
Une pâtisserie ludique et « sans tralala »
On aurait pu croire que cette mise en avant de chefs « techniciens » se solderait par une sophistication à outrance... Pas forcément. « On va vers une pâtisserie plus simple, plus ludique, facile à manger et sans tralala ! », insiste Christophe Michalak. « On ose utiliser des ingrédients inattendus, comme le Carambar », renchérit Chrystelle Brua.
je suis prête à accueillir les jeunes, même autodidactes. Ce qui compte, c’est leur volonté d’avancer et leur motivation au quotidien.
Chrystelle Brua, chef pâtissière au pré Catelan
Décomplexée, la pâtisserie ? Peut-être, mais aussi, et surtout, allégée, même si cette préoccupation ne date pas d'hier. « Nous avons toujours fait très attention aux quantités de sucre utilisées, note Gabriel Paillasson. Néanmoins, il est un peu facile de dire que les clients souhaitent consommer moins sucré, alors qu'il ne s'est jamais autant vendu de macarons, pâtisserie extrêmement chargée en sucre. »
« Demain, la pâtisserie sera moins grasse, moins sucrée, et fraîche, sans congélation. Elle sera une offre instantanée, anticipe Christophe Michalak. Comme les restaurants, on achètera des fruits de saison, en respectant les matières premières. Enfin, je l'espère. C'est en tout cas ce vers quoi je me dirige. »
il y a toujours eu des chefs pâtissiers en cuisine. sauf qu’aujourd’hui, cela se voit grâce aux réseaux sociaux, qui font exploser la communication.
Christophe Michalak, vainqueur de la Coupe du monde de la pâtisserie 2005
« Des desserts simples, mais bien réalisés »
Cette « bonne conscience » autour de la pâtisserie se retrouve également dans les grandes tendances définies par Anne-Claire Paré, directrice du cabinet Bento. Les miniformats, par exemple, sont une façon de déculpabiliser. « Les cafés gourmands, notamment, continuent à se développer en restauration à table », note-t-elle.
La pâtisserie peut également être fashion. « On choisit un format et, comme dans la mode, on le réinvente à l'infini avec, chaque année, des collections et des créations. Fauchon a ouvert le bal avec les macarons et les éclairs très à la mode en ce moment. D'autres concepts, comme l'Atelier de l'éclair ou l'Éclair de génie, suivent cette tendance », commente Anne-Claire Paré.
Mais faut-il à tout prix un chef pâtissier pour proposer des desserts de qualité ? Pas systématiquement. Au restaurant À la Marguerite, dans le 1er arrondissement de Paris, Nicolas Duquesnoy, ancien chef de la Ferrandaise, propose à chaque service des desserts originaux et de bonne facture : « Nous faisons ce que nous arrivons à faire, sans partir à l'aventure, mais en le faisant bien. Personnellement, j'essaie de ne pas faire de desserts trop sucrés, car cela plombe la fin du repas. Mais en proposant des desserts de cuisinier bien réalisés, on arrive à satisfaire le client. » Et c'est peut-être ça l'essentiel.
Les tendances
- La tradition et l'authenticité Une tendance représentée par toutes les boulangeries qui font la part belle aux viennoiseries et pâtisseries diverses. Se retrouvent également dans le retour aux pâtisseries d'antan sur les cartes : paris-brest, saint-honoré...
- Les cafés gourmands On mélange cafés très gourmands et pâtisseries américaines. La restauration gastronomique s'y met aussi, avec un taux de prise important au déjeuner
- Les créations « fashion » On choisit un format et, comme dans la mode, on le réinvente à l'infini avec, chaque année, des collections et des créations
- La « bonne conscience » Tout ce qui permet de décomplexer la consommation de pâtisseries et de desserts
- Les experts Une spécialité unique pour une expérience de dégustation exceptionnelle