Analyse

Les alternatives végétales à la viande sont-elles vraiment vertes ?

Ophélie Colas des Francs
Les alternatives végétales à la viande sont-elles vraiment vertes ?

2. La fabrication d'un burger beyond Meat nécessite deux fois moins d'énergie que celle nécessaire à la production d'un steak de bœuf.

© ©BEPOND

Steak, aiguillette, bacon, saucisse… Les simili-carnés permettent de réduire la consommation de viande sans sacrifier à l'expérience gustative. Mais la planète y trouve-t-elle réellement son compte ?

Mai 2022. Un camion rose griffé La Vie se gare face au burger king de Saint-Brice-sous-Forêt (95). Une équipe de la marque de simili-porc fait griller du bacon végétal. Et propose aux clients qui sortent du restaurant d'ajouter gratuitement une tranche à leur Veggie Steakhouse. Car ce dernier ne comporte pas l'ingrédient phare de la recette originale à la viande : le bacon. L'opération coup de poing fait mouche. En effet, depuis, le géant américain référence la jeune pousse, aux côtés du boucher Végétarien. Une sacrée carte de visite pour La Vie, foodtech créée en 2019, et qui s'est déjà imposée chez Pokawa, Copper Branch, Hank burger, King Marcel ou encore Taster. Sa botte secrète ? Avoir reproduit les propriétés du gras grâce à une recette à partir de protéine de soja. « Notre objectif est de reproduire tout ce que l'on aime dans la viande pour se faire plaisir, tout en réduisant l'impact sur la planète », détaille Morgane Gaweda, responsable marketing chez La Vie.

Promesse identique chez Kokiriki. La PME familiale, lancée en 2018 par la famille Jouault, par ailleurs fondatrice de la marque de fromage végétal Nurishh (ex-Nature & Moi), propose des alternatives au bœuf, à la volaille et même au poisson, et ce, en version émiettée ou hachée. Le tout à base de fibres de bambou, de chicorée, de tournesol, de pois… texture, apparence, saveur… , tout est fait pour ressembler à la viande. La jeune marque, qui a choisi comme logo deux coqs tricolores coiffés de béret, s'enorgueillit d'être le seul fournisseur de nuggets de simili-fromage et d'un cordon bleu végan, bien nommé « cordon vert ». Si les produits sont bien distincts de ceux de La Vie, la cible est la même : les amateurs de viande prêts à en limiter leur consommation pour réduire leur empreinte environnementale. « Notre but est d'amener ces flexitariens à consommer des alternatives à la viande deux fois par semaine », observe Bertrand Jouault, dirigeant de Kokiriki. Mais le travail d'évangélisation n'en est qu'à ses débuts. « Si 35 % des Français se disent flexitariens, la viande végétale ne représente que 1 % du marché de la viande », souligne Morgane Gaweda.

Moins d'eau et moins de CO2...

Mais que gagnera réellement la planète à la conversion des amateurs de protéines carnées aux substituts végétaux ? Kokiriki avance une consommation deux à trois fois inférieure en eau. La Vie, qui est en train de finaliser une étude de cycle de vie, dévoile un premier chiffre : des émissions de gaz à effet de serre inférieures de 80 % à celle du porc. De son côté, HappyVore vient de publier l'étude complète de cycle de vie de ses cinq produits phares, réalisée parl e cabinet Agrosolutions. Toute la chaîne a été passée au crible : des ingrédients en passant par la production, les emballages, la logistique… « En moyenne, un produit HappyVore émet 12 fois moins de kg équivalent CO2 et nécessite 2,8 fois moins d'eau que son équivalent carné », indique l'étude. C'est le steak végétal qui se montre le plus vertueux avec 31 fois moins de kg équivalent CO2 et 4,3 fois moins d'eau qu'une pièce de bœuf. De bons résultats notamment dus à la politique d'approvisionnement de la marque qui a mis en place un sourcing français et européen de ses protéines et huiles. Même démarche chez Kokiriki qui ambitionne de ne s'approvisionner qu'auprès de producteurs tricolores d'ici à la fin de l'année.

Un impact environnemental plus faible...

« Les substituts à la viande à base de plantes ont en moyenne un impact environnemental 50 % plus faible que la viande conventionnelle, confirme Tom Bry-Chevalier, doctorant en économie de l'environnement à l'université de Lorraine. Les bénéfices sont principalement liés à un moins grand usage de ressources, notamment de terres, et de plus faibles émissions de gaz à effet de serre. » Les simili-carnés sont en effet bien moins gourmands en eau. D'après une étude de chercheurs des universités d'Oxford et Johns Hopkins, la production d'un kilogramme de porc nécessite 442 litres d'eau, contre 84 litres pour un kilogramme de viande végétale. « L'impact en termes de pollution de l'air et de l'eau est plus faible également » , souligne Tom Bry-Chevalier. De fait, selon l'Inrae, l'élevage est responsable d'environ 90 % des émissions d'ammoniac en France. Un composé chimique qui contribue à la pollution des eaux et à la formation de particules fines dans l'air.

Outre-Atlantique, les conclusions sur les bienfaits de la viande végétale sont les mêmes. Les chercheurs américains Martin Heller et Gregory Keoleian ont réalisé en 2018 une étude de cycle de vie des burgers Beyond Meat. Produire un burger végétal génère 90 % moins de CO2 et consomme 99 % moins d'eau. Autre atout majeur : une mobilisation de 93 % en moins de surface agricole, avec à la clé une moindre utilisation d'engrais et de pesticide.

« Mais toutes les viandes conventionnelles n'ont pas le même impact : le bœuf émet par exemple beaucoup plus de gaz à effet de serre que la viande de porc ou de poulet. En conséquence les bénéfices sont plus importants si on compare de la viande végétale à du bœuf plutôt qu'à du poulet » , tempère Tom Bry-Chevalier.

« L'objectif est de reproduire tout ce que l'on aime dans la viande, tout en réduisant l'impact sur la planète. »
Morgane Gaweda, responsable marketing chez La Vie

...Mais moins de biodiversité

De son côté, Claude Aubert, ingénieur agronome et auteur de Qui veut la peau des vaches (éd. terre Vivante, novembre 2022), s'érige contre le procès fait aux bovidés et conteste la pertinence des études sur le sujet. « Celles-ci sont réalisées à partir des données des élevages industriels. Mais les vaches sont faites pour manger de l'herbe, pas du maïs ou des tourteaux de soja ! » Ainsi, Claude Aubert plaide pour les élevages extensifs où les vaches entretiennent la biodiversité et enrichissent les sols par leurs déjections. « La prairie est un formidable puits de carbone si elle est bien gérée » , affirme l'ingénieur. La preuve en chiffres. Selon l'ingénieur, la séquestration de CO2 pour 0,7 unité de gros bétail dépasse de 250 kg, par hectare et par an, les émissions de méthane, converties en CO2. « Pour garantir l'équilibre paysager et écologique, nous avons besoin des prairies. On ne peut pas se contenter des cultures » , martèle Claude Aubert.

Désindustrialiser la production de viande serait donc plus pertinent que de développer des simili-carnés ? Une étude néerlandaise menée par Durk Nijdam, trudy Rood et Henk Westhoek en 2012 montre l'inverse. « Par exemple sur le bœuf, cette étude trouve qu'au niveau de l'empreinte carbone, l'impact environnemental de différents systèmes est extrêmement hétérogène, les systèmes extensifs étant ceux avec le plus fort impact » , souligne Tom Bry-Chevalier. Le débat reste plus que jamais ouvert…

Quid de la qualité nutritionnelle ?

Les deux scientifiques se rejoignent sur un point : les alternatives végétales qui cherchent à reproduire les qualités organoleptiques de la viande sont gourmandes en énergie, bien plus que les substituts végétaux à base de légumineuses brutes, car elles nécessitent des procédés de cuisson, d'extraction, d'extrusion… Le gain par rapport à la viande reste cependant important. La fabrication d'un burger Beyond Meat nécessite deux fois moins d'énergie que celle nécessaire à la production d'un steak de bœuf. Mais Claude Aubert pointe un autre problème : les qualités nutritionnelles des substituts. « Ces simili-carnés sont fabriqués non pas à base de produits bruts, mais d'extraits de légumineuses, de céréales ou de soja, pointe l'ingénieur. Et il faut y ajouter des ingrédients comme l'amidon de maïs, les extraits de plantes. Nous n'avons pas d'informations sur les techniques industrielles de fabrication de ces produits ultratransformés. »

La Vie se veut exemplaire en affichant une liste d'ingrédients très courte : « Nos lardons n'en contiennent que sept, moins que ceux du leader des lardons de porc », soutient Morgane Gaweda. HappyVore, de son côté, dit privilégier les matières premières permettant une « optimisation nutritionnelle et environnementale ». « Nous n'utilisons pas d'huile de coco ou de palme, riches en acides gras saturés, mais de l'huile de colza riche en oméga 3 et de l'huile de tournesol oléique riche en oméga 9. Tous nos produits affichent un Nutri-score A ou B », argue la marque. Sans compter que les simili-carnés ne provoquent ni zoonose - des maladies ou infections qui se transmettent des animaux vertébrés à l'homme et vice versa -, ni antibiorésistance, qui a entraîné, d'après une enquête mondiale publiée dans le magazine américain Nature en 2019, plus de morts que le VIH ou le paludisme.
Mai 2023

UNE BAISSE DE LA CONSOMMATION DE VIANDE EN TROMPE-L'ŒIL

D'après l'Ademe, l'alimentation moyenne d'un Français émet quatre fois plus de CO2 qu'une alimentation 100% végétale, soit près de 1 tonne de carbone en plus chaque année. Un chiffre symbolique : c'est la moitié des gaz à effet de serre qu'un Français devrait émettre, à titre individuel, pour respecter les accords de Paris. Certes, les consommateurs ont réduit leur consommation de viande de 11 %… mais en l'espace de vingt-trois ans. Ce repli est insuffisant pour compenser la hausse mécanique de la demande globale due à la croissance démographique. La consommation globale de viande a ainsi crû de 10 % en trente ans. L'inflation et l'urgence climatique vont-elles changer la donne ? Le dernier baromètre publié par Harris interactive et le Réseau Action Climat sur la consommation de viande des Français le laisse entendre : 39 % des sondés souhaitent la diminuer dans les trois prochaines années.

 

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