La démocratisation de la livraison à domicile : l’aliment principal des dark kitchen
En dix ans, la livraison à domicile est devenue un passage obligé pour de nombreux restaurants. Ce service était jusqu’à présent réservé principalement aux enseignes de restauration rapide, mais il faudra désormais compter sur l’ensemble des acteurs de la restauration. L’apparition des agrégateurs comme Uber Eats et Deliveroo ont modifié en profondeur nos modes de consommation et a permis à de nombreux restaurateurs de gagner jusqu’à 30 % de chiffre d’affaires supplémentaire en moyenne, en contrepartie d’une commission de 25-30 % sur chaque commande, en passant par ces nouveaux canaux d’acquisition. C’est à partir de ce constat que se sont créé ces fameux restaurants fantômes, c’est-à-dire des restaurants uniquement dédiés au business de la livraison sans les contraintes d’un restaurant traditionnel.
Les avantages des dark kitchen
L’investissement financier pour un projet de « Dark Kitchen » est faible par rapport à un restaurant traditionnel. Pourquoi ? Tout d’abord l’emplacement. Celui-ci aura seulement besoin d’être situé à proximité de sa zone de livraison et n’a pas besoin d’avoir pignon sur rue. Niveau espace, il suffira d’une centaine de mètres carrés pour accueillir une cuisine professionnelle et une chambre froide. Concernant la masse salariale, plus besoin de serveurs et d’hôtesses. Seule, l’équipe en cuisine avec un Chef suffira à ce nouveau type de projet. Ces deux principaux atouts permettront au futur gestionnaire d’économiser de l’argent, mais aussi, beaucoup d’énergie, car il est très difficile de conserver une équipe dans un restaurant traditionnel. Dans une « Dark Kitchen », le gestionnaire devra investir dans des outils informatiques et acquérir des nouvelles compétences liées au métier de la livraison. Les dépenses en marketing digital sont essentielles pour communiquer sur « son restaurant ». Entre autres, Facebook, Instagram et Google, mais aussi les agrégateurs. Ces derniers proposent aux restaurateurs de faire de la publicité sur leurs sites et aussi, de remonter en tête de liste de recherche de manière précaire, mais efficace. Cette pratique est courante dans le milieu et permet une exposition de qualité face à un public ciblé prêt à commander.
Des acteurs spécialisés en immobilier commercial comme
unemplacement.com constate que ce phénomène prend de plus en plus d’ampleur «
42 % des recherches de locaux commerciaux sur notre plateforme sont alimentées par des restaurateurs. Nous constatons depuis 18 mois dans les centres-ville et périphérie des grandes métropoles une montée en puissance des concepts de type laboratoire, cuisine centrale affiliée aux concepts des dark kitchen. Bien que minoritaires pour le moment, nous les considérons comme une offre complémentaire aux restaurants de pied d’immeubles. Ils ont toute leur place dans l’écosystème de l’immobilier commercial et sont les bienvenus par les professionnels de notre réseau, surtout pour investir des locaux commerciaux de type n° 2 ou n° 3, ou en zone industrielle, qui ont beaucoup plus de mal à être commercialisé avec des commerces classiques » témoigne Aurélien TERT, cofondateur de la start-up.
L’industrialisation du concept : Les hubs logistiques
Ce créneau s’est très vite développé et il est même à présent possible de tester ses compétences à moindre coût grâce à la location de laboratoires de cuisine prééquipées. On appelle ces infrastructures des « hubs logistiques » qui rassemblent plusieurs « dark kitchen » en une seule unité. Cela permet aux néo-restaurateurs de se lancer, sans à avoir à s’engager sur un bail commercial classique de minimum 3ans. Cette stratégie s’avère payante, car en plus de réaliser des économies sur l’investissement de départ, le restaurateur profite d’un espace de travail partagé où de réelles synergies se créent au profit de tous.
La multiplication de ces « hubs » s'est matérialisée partout dans la France et de manière ciblée grâce à des algorithmes que seuls possèdent les agrégateurs. Le premier à investir dans ces « dark kitchen » est le géant britannique Deliveroo qui lança en 2017 le premier concept de cuisine partagée pour des nouveaux restaurateurs en Angleterre. Le modèle se développera ensuite très vite en Europe. D’un point de vue financier le géant de la food tech se rémunère via une commission de 40 % sur chaque commande au lieu de ses traditionnel 27-30 % avec un restaurant traditionnel, un premium de 10 points en guise de loyer et pour la fourniture du matériel.
Certains investisseurs ont même fait le choix de créer des vraies marques de « restaurants fantômes » afin de profiter de cet essor et de tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Jean Valfort, propriétaire de restaurants physiques et Rémi Chabanas, ex-cadre dirigeant d’Uber Eats qui en 2018 décide de fonder à Paris une start-up réunissant 5 nouvelles marques :
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Braise Braise (rôtisserie)
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Saint Burger
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Mama Roll (tacos)
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Big Boy Pizza
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Komba thaï
La promesse de ces 5 marques est basée sur des simples fondamentaux : des produits frais et de qualité achetés localement. L’achat en volume des matières premières et le partage de la cuisine permet de réaliser de réelles économies d’échelle. La livraison quant à elle, est déléguée exclusivement à Uber Eats. Ce partenariat permettra d’offrir un réel rapport qualité prix aux clients qui porte aujourd’hui ses fruits. Le succès est au rendez-vous, et le concept initialement basé à Paris est à présent déployé en province.
Les limites du modèle
Ce nouvel el dorado commence à attirer de nombreux investisseurs. Il se dessine actuellement une réelle concurrence dans le milieu des « Dark kitchen » et le consommateur peut à présent composer avec de nombreuses plateformes de commande. Les budgets marketing explosent au détriment de la rentabilité afin de survivre dans cette guerre digitale. Nous n’avons plus à faire à une collaboration saine, mais à des vrais professionnels de la logistique qui communiquent sur un service de livraison toujours plus rapide et plus couteux pour le restaurateur. Ce dernier n’est finalement pas réellement indépendant, mais, partenaire d’un ou plusieurs agrégateurs qui imposent leurs règles et leurs prix. Par conséquent, ils doivent composer avec la réputation de leurs partenaires, mais aussi, avec leurs succès, mais aussi, leurs déboires.
Ainsi, quand un agrégateur se retrouve au cœur d’un scandale médiatique, leurs partenaires restaurateurs pâtissent également de cette mauvaise publicité. Concernant, les « Dark kitchen » c’est quasiment tout un modèle économique qui peut être mis en péril, car c’est leur unique intermédiaire avec le client. Pour éviter cette menace, certains multiplient les canaux de distribution et cela se ressent sur le prix final. Travailler en exclusivité avec un agrégateur permet de profiter d’un pourcentage attractif sur les redevances, mais c’est aussi signer la dépendance avec un partenaire.
Enfin, on constate de nouveaux challengers dans le secteur de la livraison au profil plutôt inédits. De grand chefs historiques rentrent à présent dans le business de la livraison faisant beaucoup d’ombres aux néo-restaurateurs. En France, les Chefs Thierry Marx et Christian Constant proposent à présent leurs spécialités en livraison à prix extrêmement compétitif. Les plats proposés sont rapides à exécuter et accompagnés de packagings adaptés répondants ainsi à un rapport qualité cohérent avec leurs challengers. Pendant longtemps ce service était considéré comme une concurrence déloyale envers leurs restaurants traditionnels… A présent, il est devenu incontournable de s’en passer médiatiquement et financièrement. Les recettes engendrées par la livraison sont du bonus pour ces restaurateurs possédant des brigades de qualité pouvant absorber avec aisance ce travail complémentaire. Dans ce type de partenariat, c’est le restaurateur qui gouverne et non l’agrégateur.
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