L'optimisme des professionnels qui voyaient déjà le taux réduit de TVA appliqué dès le 1er janvier 2003, est sans doute retombé, à la lecture des déclarations du commissaire européen en charge de la fiscalité, publiées dans le Figaro du mercredi 19 juin. Frits Bokelstein assure dans cet entretien "avoir pris bonne note des griefs des restaurateurs français, en concurrence avec d'autres Etats qui pratiquent des taux réduits". Mais il affirme en revanche que le délai du 1 er janvier 2003 n'est pas "tenable", compte tenu du processus de décision européen.
La réaction de l'Umih n'a pas tardé, par la voie d'un communiqué officiel publié en milieu de matinée. L'Umih se déclare "indignée des méthodes d'un seul commissaire, qui avant même la fin de la négociation entamée il y a quelques jours, déclare (...) de façon péremptoire et unilatérale que l'engagement français est nul et non avenu". L'Umih souligne également que le projet de finances pour 2003, discuté en juillet, est "une opportunité pour que le nouveau gouvernement et sa majorité (...) tiennent parole". Et l'Union d'ajouter qu'elle interpellera le premier ministre sur le respect de son engagement.
Jean-Pierre Raffarin, à la suite de Jacques Chirac, a effectivement déclaré à plusieurs reprises dans les médias et lors de réunions publiques (lire nos précédents articles) que le gouvernement français voulait obtenir ce taux réduit. Mais il n'a jamais en revanche fixé une échéance à janvier 2003. Et il a surtout évoqué la négociation européenne, excluant de facto un passage en force, Ce que vient de confirmer François Fillon sur le plateau de la chaîne LCI, mercredi 19 juin. Le ministre des affaires sociales évoque aussi l'échéance de janvier 2004, "si nous n'y arrivons pas", en soulignant que la procédure européenne est "longue", "qu'il faut convaincre la Commission et les 14 Etats-membres".
Autre acteur influent dans le débat, le député de l'UMP Jean-Paul Charrié avait pris l'engagement d'aboutir au plus tard le 1 er janvier 2003. Engagement pris devant les restaurateurs, le 22 mai dernier, lors d'une conférence à la Brasserie La Coupole pour le lancement officiel de l'opération "Un jour la TVA à 5,5". Depuis, celui qui fut l'ancien porte-parole du candidat Chirac pour les PME s'est ravisé, et se garde de garantir cette date butoir. Plus prudemment, Jean-Paul Charié estime désormais que "la France aura beaucoup plus de chances de convaincre les politiques que les membres de la Commission". Le député du Loiret est donc partisan d'engager rapidement des discussions avec les gouvernements, en particulier le chancellier allemand Schroeder, le plus réticent selon lui.
Fins connaisseurs de ce dossier complexe et des arcanes bruxelloises, Jacques Borel, fondateur du club TVA, et Jean-Claude Bouchard, avocat associé de CMS Francis Lefebvre, ne se déclarent pas surpris par les déclarations du commissaire européen, qui ne fait que rappeler le mécanisme institutionnel appliqué pour examiner la demande de la France. Pour eux, la vraie priorité tient au fait que les pouvoirs publics et les entreprises de restauration arrivent d'abord à convaincre la Commission de la légitimité de la position française, et de sa capacité à créer de la richesse pour l'Europe. "C'est tout à fait possible, estime Jean-Claude Bouchard, à condition de faire preuve d'imagination et d'idées fertiles".
"Il faut travailler à ce que la proposition française apparaisse favorablement dans le rapport que la Commission remettra au Conseil de l'Europe au cours du premier semestre 2003, souligne Jacques Borel. Mais il faut aussi parallèlement convaincre les états-membres les plus réticents, et en particulier le Danemark. Cela ne sera pas facile". D'où peut-être une autre solution à envisager : "L'instauration du vote à la majorité qualifiée, dit-il, comme le recommande Valéry Giscard d'Estaing, le président de la Convention. Et cela dès le printemps 2004, avant l'élargissement de l'Europe".
Face aux interrogations soulevées par les déclarations du commissaire Bokelstein, et face au risque d'une nouvelle flamblée de colère des restaurateurs, Jean-Pierre Raffarin, ou Francis Mer, devront très vite s'exprimer à nouveau sur la TVA à 5,5%. Non seulement pour réaffirmer l'engagement du gouvernement. Mais surtout pour préciser la méthode qu'ils comptent adopter pour obtenir rapidement son application. Mais M. Raffarin lui-même croit-il vraiment à ce "1 er janvier 2003"? Et aura-t-il dès lors le courage politique de faire comprendre aux professionnels que le taux réduit demandera beaucoup plus de temps?