La restauration d'hôtel cherche un second souffle

FLORENT BEURDELEY
La restauration d'hôtel cherche un  second souffle

Changement de cap pour la restauration hôtelière. Dans ce modèle économique complexe à appréhender, chaque établissement, suivant sa catégorie, essaye de tirer son épingle du jeu. En se heurtant aux composantes d'un marché hétérogène et complexe.

Alors que l'hôtellerie de luxe continue à afficher sa restauration gastronomique en étendard, comme en témoigne la présence de Thierry Marx au Sur-Mesure, le restaurant du Mandarin Oriental, ou celle de Philippe Labbé au Shangri-Là, d'Éric Frechon au Bristol ou encore de Christopher Hache au Crillon, l'hôtellerie intermédiaire est à la croisée des chemins. Ressentie comme un casse-tête économique pour la plupart des acteurs de l'hôtellerie, pour qui elle est synonyme de coûts avant d'être rentable, la restauration fait figure de parent pauvre.

Envisagée comme du dépannage

Pourtant, des solutions existent. Courtepaille a récemment lancé une évolution de son concept adapté aux contraintes de l'hôtellerie. Certains, comme l'Hôtel Lutetia, décident carrément de tirer un trait sur les restaurations de type gastronomique, sans pour autant sacrifier à la qualité. D'autres se cherchent encore. Comme l'affirme Mark Watkins, président fondateur de Coach Omnium, cabinet d'études spécialisé dans l'hôtellerie et le tourisme : « En matière de restauration d'hôtel, il n'y a pas grand-chose de nouveau depuis longtemps. La restauration d'hôtel souffre d'un problème d'image. Souvent, les clients la considèrent comme un dépannage, et non comme une prestation de qualité. »

Une identité à forger

Cette restauration particulière est confrontée à une double problématique : d'un côté, répondre aux attentes d'une hôtellerie qui a besoin d'une clientèle d'affaires, mais aussi d'une clientèle d'agrément. D'un autre côté, s'améliorer constamment. Aujourd'hui, de grands groupes comme Accor et Radisson ont entamé une évolution qualitative. Mais le client extérieur semble perdu, n'arrivant plus à identifier l'offre. L'hôtellerie ayant néanmoins besoin de l'apport de la clientèle extérieure, une des méthodes employées consiste à se forger une identité propre, grâce à une entrée séparée. « Le restaurant d'hôtel doit rester dans un positionnement correspondant aux clients hébergés, pas trop cher, en adéquation avec le style de l'hôtel », prévient Mark Watkins. Un exemple avec Accor : le géant de l'hôtellerie n'a jamais été très bon en restauration. En face, la concurrence a su globalement proposer des offres complètes sous l'identité « hôtel-restaurant », qui fonctionnent bien, car elles sont lisibles. Selon Coach Omnium, un Campanile, sous bannière Louvre Hôtels, réalise 20 à 30 couverts de plus qu'un restaurant d'hôtel Ibis de dimension comparable. « Un hôtel a besoin d'avoir des restaurants autour de lui, assure Mark Watkins, pour la bonne et simple raison qu'être entouré de restaurants sera un plus pour faire venir la clientèle de loisirs, qui prend le temps de sortir pour aller se restaurer, ce qui n'est pas le cas de la clientèle d'affaires. » En effet, il est fréquent de voir des hôtels de classe économique, type Ibis, se monter auprès d'enseignes comme Buffalo Grill ou Léon de Bruxelles. « Et il vaut mieux avoir cette double clientèle, car s'il n'y a qu'une clientèle du soir, de passage, le restaurant sera vide le midi. »

Les effets de la crise

Et il convient de bien différencier la restauration d'hôtel dans les espaces touristiques forts comprenant une grande densité de restaurants, qui souffre, et la restauration d'hôtel dans les lieux isolés, qui tire son épingle du jeu grâce à une clientèle captive. Pour Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme : « Dans ce dernier cas, la partie restauration est un élément déterminant dans le choix de l'établissement. » Autre souci pour Didier Arino : la crise qui affecte la clientèle française. « Tous les établissements qui sont dépendants de la clientèle intérieure sont touchés, car la restauration est le premier budget sur lequel le client cherche à économiser, ce qui conduit à des baisses tout à fait conséquentes dans les stations. Ainsi, en stations, entre le début du printemps et le mois de juillet, nous avons enregistré une baisse du chiffre d'affaires de la restauration d'hôtel comprise entre 10 et 20% en moyenne. Néanmoins, août et septembre ont été meilleurs, avec une évolution positive moyenne constatée de 5 à 7%. »

Sortir des canons standardisés

En région, les propriétaires d'établissements composent avec les particularismes locaux pour tirer leur épingle du jeu. Ainsi, Franck Anderloni, le directeur général de la Charpinière, à Saint-Galmier (42), mise gros sur la restauration. Cet hôtel de 46 chambres, racheté en 2011 par la famille Despinasse, propriétaire des boucheries Grand Frais, a été récemment entièrement rénové, pour un investissement de l'ordre de 7 millions d'euros. « Nous sommes en train d'obtenir le titre de Maître Restaurateur, mais nous nous heurtons à un problème : pour l'obtenir, il faut que le propriétaire de l'établissement ait une expérience en restauration, ce qui n'est évidemment pas le cas », explique Franck Anderloni. Classé trois étoiles depuis le 14 octobre, la Charpinière développe son projet pour un restaurant gastronomique de 120 places. « Nous avons réalisé 32 000 couverts au premier semestre, dont 5 000 en gastro, 20 000 en brasserie, et le reste en séminaires. Il y a donc un réel potentiel à creuser », assure le directeur général. En mettant en avant les produits frais, les restaurants de l'établissement sont aujourd'hui très prisés, y compris par des clients extérieurs, qui viennent en sachant ce qu'ils vont y manger.

Autre exemple avec le restaurant Le Bougainvillier. Cet établissement proche de Saint-Étienne s'est récemment adjoint quatre chambres. Un changement dicté par la crise, selon son propriétaire, Gérard Charbonnier. « Nous avons créé quatre chambres personnalisées, toutes différentes, car nous avons constaté une demande de plus en plus forte pour tout ce qui sortait des canons de l'hôtellerie standardisée. Les repas d'affaires ayant fortement chuté depuis le début de la crise, nous devions réagir pour capter un autre type de clientèle. » Le succès est au rendez-vous, puisque ces chambres, vendues 98 € la nuit, font régulièrement le plein. Et Gérard Charbonnier ne compte pas s'arrêter là. Il prévoit de créer trois chambres supplémentaires.

Une sensibilité à la régionalisation

Pourtant, la restauration chez les indépendants reste un véritable problème, selon Mark Watkins. « Prenez l'exemple d'une chaîne volontaire comme les Logis. Nous sommes face à une restauration prétentieuse, petite-bourgeoise. Souvent, les propriétaires cherchent à être honnêtes, à proposer une cuisine faite maison, mais ils en font trop. Problème : ces restaurants s'adressent encore une fois à deux publics, les voyageurs et la clientèle locale. Évidemment, les touristes sont sensibles à la régionalisation. On apprécie de toucher à la gastronomie locale, surtout quant elle est très typée. Mais, finalement, les cartes manquent d'originalité et se ressemblent toutes. »

La restauration hôtelière a donc encore du chemin à parcourir pour sortir de l'ornière. Victime du vieillissement du parc hôtelier français, elle ne dispose certainement pas de tous les moyens nécessaires à sa renaissance. Les initiatives qui fonctionnent restent souvent des cas isolés, mais aucun modèle n'existe réellement pour le moment. Pour le client, le flou demeure. Pour combien de temps encore ?

« Le restaurant d'hôtel doit rester dans un positionnement correspondant aux clients hébergés, pas trop cher, en adéquation avec le style de l'hôtel. » Mark Watkins, président fondateur du cabinet d'études Coach Omnium

Le Lutetia abandonne sa restauration gastronomique

L'hôtel Lutetia, qui incarne à lui seul le luxe discret de la rive gauche, teinté de germanopratisme, s'apprête à fermer ses portes pour trois ans. Un vaste chantier de rénovation qui devrait débuter au deuxième trimestre 2014. Le projet, ambitieux, prévoit notamment de supprimer la restauration à caractère gastronomique, représentée actuellement au Lutetia par Le Paris, une étoile Michelin. Pour autant, pas question de rogner sur la qualité. « La restauration coûte très cher, et elle va coûter encore plus cher avec l'augmentation du taux de TVA et le prix de la main-d'oeuvre, justifie Jean-Luc Cousty, directeur du Lutetia. On peut envisager la gastronomie autrement que par la course aux étoiles. 80% de la restauration de nos clients s'effectuent à l'extérieur de l'établissement, car notre clientèle est essentiellement composée de touristes.

 

Par ailleurs, l'offre du quartier est pléthorique. Néanmoins, nous conservons la brasserie ainsi que le bar, et nous allons augmenter les prestations de la brasserie de manière à répondre aux attentes de notre clientèle et à améliorer les conditions de travail pour nos salariés en évitant les coupures. » La capacité de ces deux points de vente sera augmentée, pour passer à 240 places assises à la brasserie, soit 100 de plus qu'actuellement, et 200 places au bar, soit 70 places de plus. Une stratégie qui marque une nouvelle fois la différence de cet hôtel, qui ne cherche en aucun cas à imiter les palaces de la rive droite, dont le restaurant gastronomique est souvent l'étendard.

 

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