Indémodable, la frite fait un retour très remarqué dans nos assiettes. Et dans tous les segments de la restauration. Elle n'est plus un simple féculent d'accompagnement, mais un bâtonnet de pomme de terre qui valorise le plat.
La frite au patrimoine culinaire français ! Hormis les Belges, peut-être, qui en douterait ? En effet, avec les Français du Nord, ils en ont fait un symbole fort de leur identité locale. C'est ce que révèle l'étude « On a tous un truc avec la frite », menée par Gilles Fumey, géographe de l'alimentation, TNS Sofres et McCain France, en vue de connaître le lien existant entre les consommateurs et ce produit qualifié de « mythique » par le sémiologue et écrivain français Roland Barthes. Force est de constater que la frite n'a jamais déserté nos assiettes, ni au restaurant, où il forme un duo incontournable avec le steak , ni à la cantine, où les élèves attendent toujours avec autant d'impatience et de gourmandise le jour des frites ! Avec le « rab » en fin de service...
Portée par l'essor du burger
Elle revient en force en restauration et compte chaque jour davantage d'inconditionnels. « La tendance remonte à plusieurs années déjà. Les professionnels ont compris que si le coeur de repas (poisson, viande) est de qualité, il est fondamental que l'accompagnement, la frite en particulier, soit à la hauteur », commente Caroline Skorupinski, marketing manager Food Services McCain. Pour preuve, ce marché a affiché une évolution constante entre 2005 et 2010, soit 8,4% de progression. Seul le choix de la technologie a changé avec un transfert d'achat des frites réfrigérées au profit des frites surgelées.
Tous les segments de la restauration proposent désormais des frites. L'essor du burger n'est pas étranger à cet engouement. Pour valoriser ce plat populaire, rien de tel qu'une bonne frite dorée et croustillante. La chaîne Memphis Coffee, spécialisée dans le hamburger, a, depuis 2009, voulu se démarquer de ses concurrents. « Nous voulions une frite spéciale, à savoir "curvée", pour pouvoir la tremper dans la sauce. Notre fournisseur a donc mis au point pour nous ce produit spécifique en surgelé, qui a depuis été adopté par bon nombre d'enseignes et par des indépendants », déclare Benoît Armand, responsable restauration-achat.
La qualité du produit est devenue un argument marketing. Une manière de se différencier. It Rocks, nouveau venu dans la restauration rapide, a bien l'intention de bousculer le monde du burger. Dans sa communication, il dit « non au burger-frites "de luxe", certes bon, mais trop cher et réservé aux bobos gastronomes ». Il vante l'utilisation de pommes de terre fraîches coupées et cuites sur place. Les food trucks, très axés sur les burgers et les fish et chips, comme Daily Wagon, consacrent eux aussi une place de choix à leurs frites. Kristin Frederick, dès le lancement de son Camion qui fume, a fait savoir que les siennes étaient faites « maison ». Certains, comme Thibaud de Clercq, originaire du Nord, revendiquent même le titre de « rois de la frite ». Lui n'hésite pas à parler de la frite belge comme de la 8e merveille du monde. Pour lui rendre hommage, il lui a dédié un concept où sont réalisées des « frites fraîches dans les règles de l'art », avec une double cuisson dans de la graisse de boeuf.
Une transgression positive
La restauration traditionnelle lui fait la part belle également. Aujourd'hui, les professionnels affichent à leur carte les frites préparées au couteau. C'est le cas de Denis Jublan, du restaurant le Saint-Joseph, à la Garenne-Colombes (92). Et le 9e arrondissement de la capitale a vu naître à son tour un établissement haut de gamme autour du produit mythique. « Avec la tendance des burgers qui s'est développée à Paris, j'ai pensé qu'il y avait une carte à jouer avec la frite au sens large », explique Nicolas Catania, qui a inauguré son restaurant, La Maison F, il y a quelques semaines. Son ambition : attirer les fous de frites maison. Pour mener à bien son projet, il a travaillé avec Anne de la Forest, auteur d'un ouvrage sur ce produit. Ils ont mis au point à la carte pommes allumettes, pommes frites, pommes pont-neuf et frites de patate douce. Ici, la frite de pomme de terre est cuite au blanc de boeuf, à la graisse d'oie, parfumée à la truffe et accepte volontiers la compagnie des frites de... légumes.
Comment expliquer le succès d'un produit si « basique » ? Les résultats de l'étude révèlent que la consommation des frites avec les doigts est socialement acceptée, ce qui n'est pas le cas avec d'autres produits. Ils sont d'ailleurs 89% à « la trouver encore meilleure avec les doigts ». Cette transgression positive est créatrice de lien social, facilite la convivialité autour de la table et soude la communauté des mangeurs. Et Caroline Skorupinski de conclure : « La frite laisse totalement libre cours à l'imagination de nos papilles, notamment concernant la multiplicité des accompagnements. Nature, avec du sel, du vinaigre, du ketchup, de la mayonnaise ou des sauces, les frites se prêtent à une certaine liberté de consommation. »
« La frite laisse totalement libre cours à l'imagination de nos papilles, notamment concernant la multiplicité des accompagnements. » Caroline Skorupinski, marketing manager Food Services McCain
« Avec la tendance des burgers qui s'est développée à Paris, j'ai pensé qu'il y avait une carte à jouer avec la frite au sens large. » Nicolas Catania, créateur de la Maison F
80%
Le pourcentage de consommateurs qui mangent des frites au restaurant
Source : étude McCain
255 100 t
Le volume de frites consommées (réfrigérées et surgelées) en restauration (tous segments confondus) en 2005
Source : étude Gira Foodservice 2011 pour le GIPT sur les pommes de terre transformées
276 600 t
Le volume de frites consommées en restauration en 2010
Source : étude Gira Foodservice 2011 pour le GIPT sur les pommes de terre transformées