La carte à puce démange la profession

LENA ROSE

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La carte à puce démange la profession

© RGA/REA

Le titre-restaurant en version dématérialisée est officiellement disponible depuis le mois d'avril. Une nouvelle étape et un bouleversement des habitudes qui demande un temps d'adaptation, tant du côté des usagers que des restaurateurs.

Le texte gouvernemental était déjà annoncé et commenté depuis plusieurs mois. Le décret n° 2014-294 qui fixe les conditions d'émission et de validité et l'utilisation des titres-restaurant dématérialisés a été publié le 6 mars et est entré en vigueur dès le 2 avril. Qu'est-ce que cela change ? Est-ce la disparition des carnets de tickets que l'on connaît depuis la loi de 1967 réglementant les titres-restaurant ? Non. Selon le texte, « les titres-restaurant peuvent être émis sur support papier ou sous forme dématérialisée », au libre choix de chaque entreprise. Par ailleurs, avec la carte personnelle de format carte bancaire, fini les usages tolérés avec la version papier qui permettent de délivrer un ou plusieurs titres, dans la limite de 19 € par jour. Ou d'utiliser la carte le dimanche et les jours fériés, « sauf décision contraire de l'employeur au bénéfice exclusif des salariés travaillant pendant ces mêmes jours ». Voire de garder suffisamment de tickets pour inviter un(e) ami(e) au restaurant. Comme le souligne la Confédération des professionnels indépendants de l'hôtellerie (CPIH), « les émetteurs devront paramétrer leur informatique afin de plafonner à 19 € les dépenses quotidiennes. Le texte permet de clarifier la situation pour tous les émetteurs, ainsi que pour les clients et les utilisateurs des titres. Il confirme les modalités d'utilisation, déjà valables pour les titres papier, il pérennise la vocation sociale du titre et ses avantages pour les entreprises et collectivités, et pour leurs collaborateurs ».

« Un vrai gain de temps »

« C'est une application plus stricte de la réglementation, mais surtout plus de sécurité et de simplicité pour les usagers, et de gain de temps pour les restaurateurs », note Stéphane Dixmier, directeur général de Natixis Intertitres. Émetteur de Chèque de table, la filiale de Natixis (Groupe BPCE) a décidé de s'affranchir de son offre papier pour créer la marque Apetiz, dédiée à son offre globale de titres-restaurant dématérialisés, « en France et à l'étranger ». Une nouvelle étape pour se positionner sur un marché où bataillent aussi Edenred et Chèque Déjeuner, qui s'octroient 70% du marché papier, mais aussi Sodexo, numéro trois. Sans oublier le dernier arrivé, Moneo Resto MasterCard, de Moneo Applicam, actif depuis plusieurs mois sur l'offre digitale. « Pour ma petite structure, la dématérialisation sera une bonne chose, estime Delphine Collard, au Café de la Butte (Paris 18e). Gérer les titres-restaurant papier est chronophage. Il faut vérifier le nombre de tickets, les montants pour préparer le bordereau de remise, puis les envoyer en recommandé au CRT ou les déposer dans le centre de collecte le plus proche. J'attends donc d'avoir un montant suffisant, et j'ai de la trésorerie dehors jusqu'au remboursement. »

Encore des inquiétudes...

Jean-François Silvente, à la tête des crêperies Framboise, à Paris, utilise la carte Moneo Resto. « C'est rapide, simple, alors que les titres papier me prennent trente minutes par jour de gestion administrative et un déplacement une fois par mois au CRT. C'est un moyen de paiement qui génère de gros volumes, de l'ordre de 1 000 titres-restaurant par semaine, que je garde donc un mois et dont je suis remboursé vingt-et-un jours après. La carte est un gain de trésorerie. »

Malgré ces arguments séduisants, certains aspects financiers sont pointés du doigt par les professionnels, le Synhorcat et la CPIH. Dans un communiqué, celle-ci « met en garde les professionnels et ses adhérents sur les conditions de mise en place de ces titres dématérialisés par les émetteurs. Elle s'inquiète notamment d'offres commerciales qui sont proposées aux professionnels sans qu'une négociation ait été engagée avec les organisations professionnelles du secteur. Elle dénonce notamment les taux élevés annoncés par certains. C'est la raison pour laquelle elle a invité, avec le Synhorcat, les organisations professionnelles à se rencontrer pour examiner la situation ». Sur les titres papier, les taux de commissions prélevés par les quatre principaux émetteurs (Edenred, Sodexo, Chèque Déjeuner et Natixis Intertitres) varient de 0,68 à 4,90% selon le montant de titres remis et la rapidité de remboursement. Plus le montant est élevé et le remboursement lent, plus la commission est faible. Si la carte a clairement des atouts dans son jeu, la partie n'est pas encore totalement gagnée.

C'est une application plus stricte de la réglementation, mais surtout plus sécurisée et simple pour les usagers, et plus rapide pour les restaurateurs.

Stéphane Dixmier, directeur général de Natixis Intertitres