la cuisine centrale du siplarc, à Noisy-le-Sec : un outil capable de produire pour des communes tierces.
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C'est notre tout premier appel d'offres », reconnaît Bruno Le Saëc, du Siplarc (1). En l'occurrence, un marché de fourniture de repas livrés de plus de 5 000 couverts/jour. « Nous avons d'abord posé notre organisation, explique le directeur général de cet établissement public créé en 2001 par les villes de Bondy et de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Puis nous avons travaillé avec le contrôle de légalité pour ne commettre aucun impair juridique. Maintenant, nous sommes prêts à nous étendre. Par appel d'offres ou par de nouvelles adhésions au syndicat. Sachant que nous préparons environ 7 300 repas/jour et que nous pouvons en absorber jusqu'à 13 000, sans bouleverser notre organisation. »
Autre compétiteur, le Siresco, la plus grande structure intercommunale de France dans le domaine de la restauration. En dix ans, ce Sivom (syndicat à vocation multiple) est passé d'une production d'environ 4 000 repas/jour environ 30 000 aujourd'hui, à partir de deux cuisines centrales situées à Bobigny (Seine-Saint-Denis) et à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Créé en 1993 pour répondre aux besoins spécifiques des villes de Bobigny et de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le Siresco a su fidéliser depuis 14 communes supplémentaires, 11 devenant à leur tour adhérentes, les 3 autres se bornant à signer des conventions. « Cinq des 13 communes adhérentes faisaient auparavant appel à des entreprises privées », fait également observer Alain Paton, président du syndicat.
Le défi des appels d'offres
Les appels d'offres constituent un défi plus ambitieux encore pour les deux syndicats. Ils veulent le relever, au nom de la défense du service public et de l'intérêt même, économique et social, des collectivités adhérentes. S'ils s'y attaquent aussi résolument, c'est, en premier lieu, parce qu'ils se disent certains d'avoir levé tous les obstacles juridiques.
Dans le passé, un obstacle de taille entravait leur accès, le principe de « spécialité ». Prévalant dans la jurisprudence française, il décourageait les collectivités publiques d'opérer dans le domaine concurrentiel en fournissant des repas à des collectivités tierces : telle n'était pas leur vocation première. Mais aujourd'hui, ce principe est mis à mal par l'évolution du droit communautaire et français.
Comme en témoigne le code des marchés publics, entré en vigueur en janvier 2004. Il transpose la majorité des directives européennes et confirme les plus récents arrêts du Conseil d'état en la matière. Ainsi celui du 8 novembre 2000, que signale Martine Demartini, directrice générale des services du Siresco. « Aucun texte ni principe n'interdit, en raison de sa nature, à une personne publique de se porter candidate à l'attribution d'un marché public ou d'un contrat de délégation de service public, statue la Haute Cour administrative. Aussi, la personne qui envisage de conclure un contrat dont la passation est soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence ne peut-elle refuser par principe d'admettre à concourir une personne publique. »
Autre arrêt de référence, selon Martine Demartini, celui de la Cour de justice des Communautés européennes en date de décembre 2000. Pour la juridiction de Luxembourg, le principe d'égalité de traitement ne fait pas lui-même obstacle à ce qu'un organisme subventionné soit admis à participer à une procédure de passation.
« L'article 1 du nouveau code des marchés publics prend bien acte de ces évolutions », conclut Martine Demartini. Quand il prévoit que les « marchés publics sont des contrats conclus à titre onéreux avec les personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public [...] pour répondre à leurs besoins. »
Ce blanc-seing du code ne règle pas pour autant un autre risque majeur, celui de la concurrence déloyale. Pour l'éviter, 3 aspects sont à prendre en compte, explique-t-on au Siresco. Le statut du personnel, d'abord. Aucune étude ne démontre que la fonction publique ne l'avantage ou ne le désavantage par rapport au privé. La composition du prix, ensuite. Tout établissement public doit utiliser des comptes analytiques et s'assurer qu'il ne vend pas à perte, par le jeu de subventions masquées qui lui permettraient de baisser artificiellement les prix. Enfin, la fiscalité doit être neutre. « Postuler à un appel d'offres n'exonère pas un établissement public d'obligations fiscales identiques à celles des entreprises privées », reconnaît Martine Demartini. Taxes et impôts sont-ils pour autant équivalents pour tous ? Cela reste à vérifier...
Forts de leur bon droit, Sivu et Sivom passent donc à l'offensive. En étant sélectifs, tout de même. Ils sont convaincus en tout cas de leur compétitivité globale. Elles reposent à la fois sur l'efficacité revendiquée de leur organisation, décomplexée à l'égard du modèle privé, et sur les économies d'échelle d'autant mieux restituées dans les tarifs appliqués aux collectivités que les syndicats sont économes de frais de structures et dispensés de dégager des profits et verser des dividendes.
Le Siresco et le Siplarc se positionnent toutefois en mieux-disants plutôt qu'en moins-disants. « Nos tarifs sont dans le haut de la fourchette des marchés franciliens, reconnaît Alain Paton. Pas question pour les élus de les baisser en rognant sur la qualité de nos produits et de nos services. »
Les syndicats ne peuvent non plus ignorer le régime de critères d'attribution des marchés de repas livrés. Beaucoup de collectivités attribuent au critère prix un coefficient supérieur à celui du critère qualité. Aussi, pour espérer l'emporter, les syndicats devraient donc perdre un minimum de points sur le prix et en gagner un maximum sur la qualité. Pas si simple ! Car, plus les collectivités précisent leurs cahiers des charges de marchés, plus le niveau qualitatif des réponses tend à se niveler entre les candidats. Et c'est alors souvent le prix qui fait la différence.
(1) Syndicat intercommunal (à vocation unique (donc Sivu) de production et de livraison alimentaire de repas collectifs.
Des leviers, des limites
- Pour se faire connaître, ils peuvent compter sur...
- Les coopérations performantes
- Les réseaux d'élus et de fonctionnaires
- Les salons professionnels
- Les journées portes ouvertes Mais ils sont freinés par...
- Leur nombre restreint sur le territoire
- Leur capacité de production
- Les clivages politiques gauche/droite
- La concurrence compétitive des SRC
Deux voies pour gagner des communes
Les faires adhérer
Cela suppose...
- Une délibération du conseil municipal de la commune candidate
- Une délibération du conseil municipal de celles déjà adhérentes
- Une délibération du conseil syndical
- Une modification de son statut pour étendre son aire territoriale
Deux voies pour gagner des communes
Répondre à leurs appels d'offres
Cela suppose...
- De respecter le code des marchés publics
- D'observer le principe de concurrence loyale en pratiquant des tarifs intégrant la totalité des coûts réels, économiques et fiscaux
Sources : Siplarc, Syndicat intercommunal de production et de livraison alimentaire de repas collectifs, jurisprudence.
« Évitons le rapport marchand de vendeurs à clients »
Quelles limites fixez-vous à vos candidatures ?
A. P. Deux types de paramètres les conditionnent. D'abord, de faisabilité, comme la proximité. Nous répondrons plus facilement au marché d'une commune de Seine-Saint-Denis, où nous sommes implantés, qu'à une commune de l'Essonne. Le deuxième paramètre est politique. Pourquoi répondrions-nous à l'appel d'offres d'une municipalité qui a délibérément choisi la voie de la privatisation ? Nous ne proposons pas un rapport marchand de vendeurs à clients, mais un vrai partenariat. Et nombre de communes avec qui nous avions passé des marchés ou des conventions ont adhéré au syndicat. Entrant à son conseil d'administration, elles sont cogestionnaires et participent aux prises de décision.
Pensez-vous vraiment être compétitifs?
A. P. Oui, car nous ne faisons pas de profit, et les économies d'échelle par augmentation du nombre de repas produits nous permettent de maintenir les tarifs facturés aux collectivités. Cela étant, nous sommes très attachés à la qualité des produits. Nous ne serons donc pas forcément les « moins-disants » sur le bol alimentaire. Mais la collectivité doit comparer les offres en connaissance de cause, et tenir compte des services inclus dans notre prix, en matière notamment de communication aux familles et d'animation. Qu'elle sache aussi que nous ne facturons que les repas consommés et ne prévoyons aucune pénalité sur les seuils ! Tout cela fait que nous n'avons aucune crainte quant à notre compétitivité.
La personne figurant sur la photo de la page 41 de notre numéro 415 (décembre 2004) nous signale avoir changé d'employeur depuis la prise de ce cliché et que son image ne saurait être associée aujourd'hui à celle de l'entreprise Butard Enescot.