On le savait, lui-même et son groupe, partisan d'une mesure promise par Jacques Chirac, et défendue maintenant par Jean-Pierre Raffarin et son gouvernement auprès de la Commission de Bruxelles et des quatorze Etats membres de l'Union européenne. Mais Jacques Barrot s'était jusqu'à maintenant peu exprimé sur la baisse de la TVA. Dans une interview accordée au quotidien Le Figaro (15 mai), on avait remarqué toutefois cette petite phrase dans laquelle il déclarait vouloir « engager des négociations très claires avec la profession ». Une petite phrase en forme de message...
Alors que les débats sur le projet de loi de finances 2004 vont débuter au Parlement, Néorestauration a voulu savoir quelle est l'analyse et la position de l'UMP sur la baisse de la TVA, et ce qu'elle attend des restaurateurs. Jacques Barrot, président du groupe parlementaire majoritaire à l'Assemblée nationale, lève le voile.
Néorestauration : En quoi la restauration, selon vous, peut-elle être un relais de croissance ?
Jacques Barrot : La restauration, je le constate chaque jour en Haute-Loire, constitue un secteur économique à fort potentiel de croissance et d’emploi. Ce secteur, qui regroupe près de 800 000 actifs, constitue un vivier d’emplois puisque nous savons que les emplois pérennes de demain se situeront essentiellement dans le secteur des services. D’après les dernières estimations, relayées par le mémorandum adressé par le gouvernement français à la Commission européenne, une baisse de la TVA à 5,5 % pourrait créer près de 40 000 emplois dans ce secteur.
Enfin, j’ajoute que le secteur de la restauration a d’autres dimensions. Il contribue à ce que j’appelle « le développement d’une économie de proximité », en ce sens qu’il s’agit de petites structures proches du consommateur final. Et puis, il s’agit aussi de tenir compte de la dimension territoriale, régionale de cette activité, qui contribue au succès de la France en matière touristique.
Que souhaitez-vous négocier exactement avec les restaurateurs ?
J.B : Je pense qu’une décision aussi importante et la démarche que notre gouvernement a entamé à l’égard de nos partenaires européens doivent s’accompagner d’une démarche nationale au niveau de la profession.
En effet, il faudra voir quelle sera la « ventilation » des marges de manœuvre dégagée par les effets d’une baisse. Faut-il tout répercuter sur le prix final de l’assiette ? Faut-il, comme le préconisent certains professionnels, appliquer la règle des trois tiers (1/3 de baisse des prix, 1/3 pour l’augmentation des salaires, 1/3 pour les investissements des employeurs) ? De même, se posera la question de la modernisation d’une profession qui connaît des problèmes d’attractivité. C’est bien ces questions qui devront faire l’objet de discussions entre les pouvoirs publics et les représentants de la profession.
A titre personnel, je pense que cette mesure n’a de sens que si elle allie augmentation du pouvoir d’achat des salariés et investissement. La profession connaît un problème de fidélisation des employés puisque le taux de départ des employés HCR (secteur hôtellerie, cafés et restaurants) se situe à 31,8 % quand le taux d’entrée était de 33,3 % entre 1995 et 1998. C’est là un enjeu principal pour la profession. Je pense donc que les salariés doivent bénéficier d’une part importante d’augmentation de leurs salaires directs et de revalorisation de leurs carrières afin de les fidéliser sur le long terme. C’est un métier passionnant, mais c’est un métier difficile. Il faut donc que le consommateur comprenne qu’un bon service, ça se paye.
Le vote par votre groupe de l’amendement qui permettrait d’introduire le taux réduit de 5,5 % dans la loi de finances 2004 est-il conditionné par ces engagements ?
J. B : Nous avons confiance dans la qualité du dialogue social pour ne pas assortir cette mesure de conditions fixées dans une loi de finances. Je sais que M. Daguin est convaincu et conscient des enjeux que je viens d’évoquer. J’ajoute que notre groupe a défendu un amendement de réduction de la TVA dès la loi de finances 2003 pour montrer au gouvernement et aux autorités européennes la détermination de la nouvelle majorité à aboutir sur cette question. Mais nous devons également rester responsables à l’égard de nos partenaires européens. A partir du moment où le gouvernement effectue de lourdes démarches pour convaincre la Commission européenne et les 14 autres Etats, nous ne pouvons pas nous permettre de les mettre devant le fait accompli. Nous restons vigilants pour que cette mesure puisse prendre effet le plus tôt possible, comme s’y est engagé le Premier ministre.
Cette mesure coûterait 3 milliards, selon Bercy en année pleine, la première année. Peut-on vraiment la financer ?
J.B : La précédente majorité invoquait constamment le coût de cette mesure pour justifier son refus de la mettre à l’ordre du jour des négociations européennes. Hélas, le raisonnement n’était plus le même lorsqu’il s’agissait de prendre des mesures néfastes pour l’activité, comme ce fut le cas pour les 35 heures. Il est vrai que le coût d’une baisse de la TVA à 5,5 % n’est pas négligeable puisqu’il varie, selon les estimations de Bercy, entre 3 et 4,6 milliards d’euros en année pleine. Pour autant, notre cap économique est clair et cohérent : toute mesure de baisse des prélèvements doit être ciblée et avoir un impact sur l’emploi et sur le développement de l’activité. Certes, la ressource publique est rare et chaque euro compte. Mais nous devons également tenir compte des recettes sociales et fiscales issues des créations d’emplois escomptées. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous sommes responsables, mais nous préférerons toujours une politique de vigueur à une politique de rigueur.
Propos recueillis par Jean-François Vuillerme