Restaurant Histoire
© Jérôme Galland
Avec son nouveau restaurant gastronomique, Mathieu Pacaud cherche les émotions dans l'assiette, et l'excellence dans les moindres détails de l'expérience de restauration.
Les histoires. Celles que l'on nous conte et que l'on retient... C'est un chemin particulier qu'a choisi Mathieu Pacaud, 34 ans, pour construire Histoires, son restaurant gastronomique ouvert en septembre, dernière pièce d'Hexagone, son établissement de l'avenue Kléber, à Paris. Exit les certitudes de l'Ambroisie, le chef s'expose ici dans un lieu qu'il a voulu à la fois intime et féérique. Ce qu'il a cherché derrière cette porte dérobée, jouant le caméléon au milieu d'une fresque des artistes Alex et Marine, c'est d'abord une différence : « Pour moi, l'expérience en restaurant gastronomique est à réinventer. Trop souvent, on s'y ennuie. Le service est parfois pesant, la musique classique en fond récurrente... Je veux proposer quelque chose de nouveau, donner aux convives le sentiment de vivre un moment particulier. »
L'aménagement a été confié, comme dans le reste de l'établissement, au duo d'architectes Gilles et Boissier : « Si Hexagone rappelle les speakeasy, ces bars clandestins du New York des années 1930, Histoires crée une parenthèse différente, explique Dorothée Boissier. C'est le lieu d'une fantaisie, débutant avec l'accès par la fresque et se prolongeant dans l'entrée du restaurant, avec l'oeuvre de Jean-François Fourtou, ce déballage fou d'une valise extraordinaire. » Entre légumineuses et oies en liberté sur une table de chasse en pagaille, l'oeuvre interpelle, et s'insère finalement dans une ambiance feutrée : « Il y avait le risque d'une cacophonie, et d'un espace qui ne s'inscrive pas dans la pérennité, poursuit Dorothée Boissier. Pour sortir de l'éphémère, revenir à la fonction, les jeux de miroirs, les éléments d'aménagement classiques, le recours au noir et blanc, tempèrent cette présence, composant une ambiance plus douce que dans Hexagone. »
Une phase décisive
Une intimité appuyée par un jeu d'alcôves autour du passage central, car ces histoires-là, le chef a souhaité les raconter en comité restreint. Six tables pour vingt convives au maximum, un vrai choix : « Cela conditionne tout. En travaillant sur cette échelle, on peut pousser chaque fragment de l'expérience de restauration dans ce que l'on sait faire de mieux, et offrir des émotions culinaires. » Au-delà de l'ambiance, des aménagements et des éclairages, du mobilier et de la vaisselle triés sur le volet, c'est par l'assiette que le chef entend marquer : « Chaque plat doit amener une surprise, une émotion. »
Dans une carte limitée à trois entrées, plats et desserts, Mathieu Pacaud propose un fil conducteur à ses contes culinaires : l'imprégnation, soit la captation par un aliment des saveurs d'un autre. Marinades, fumages et salaisons, flambages, pochages, infusions et macérations... L'éventail est large. « Je n'ai rien inventé. Il y a beaucoup de techniques, souvent séculaires, ancrant ces saveurs dans l'aliment. Une première difficulté tient à la maîtrise des temps de cuisson et d'imprégnation : pour que cela marche, il faut faire du bon ! » Le second défi : construire, parfois jusqu'au dressage, un plat autour d'une inspiration. Un parti pris artistique pour amener la gastronomie sur les terres de la peinture, de la littérature ou de la musique, à l'instar de sa Langoustine royale en tropézienne, construite, en partant des Variations de Mozart, sur des techniques d'imprégnation à partir de trois produits : le caviar, le fenouil et la langoustine.
Une approche originale, visant l'excellence, et déjà dans une phase décisive : « L'objectif, c'est de proposer une expérience culinaire parmi les meilleures de Paris.Aujourd'hui, nous ne sommes plus très loin de cette vitesse de croisière, en salle comme en cuisine. Cependant, pour s'inscrire dans la durée, il nous faut obtenir une reconnaissance justifiant les prix de notre carte. Et pour cela, l'expérience doit être la meilleure pour le convive. » Le chef y veille.
« Pour moi, l'expérience en restaurant gastronomique est à réinventer. Trop souvent, on s'y ennuie. Je veux proposer quelque chose de nouveau, donner aux convives le sentiment de vivre un moment particulier. » Mathieu Pacaud, chef du restaurant Histoires