Produit aux nombreuses vertus, le thé requiert l'expertise de passionnés et de spécialistes pour sa sélection et l'élaboration d'assemblages classiques et originaux. Un métier amené à se développer, bien que dépourvu de filière officielle.
« Le monde occidental a redécouvert le thé, boisson millénaire, véritable produit gastronomique qui se déguste avec le même professionnalisme et la même attention que le vin », raconte Lydia Gautier, experte-thé. Déguster une tasse de cette infusion relève de l'expérience gustative. On ne se contente plus de boire un thé comme une quelconque boisson chaude. « C'est un produit vivant avec ses terroirs, ses millésimes. C'est aussi un produit à la dimension culturelle très forte, puisque sa consommation est ritualisée dans de nombreux pays, toujours synonyme d'hospitalité, de convivialité et de partage. »
En quelques années, les Français sont devenus des amateurs de thé. Et sélectionnent volontiers des produits haut de gamme. Bien que la France ne soit pas, à l'instar de la Grande-Bretagne, un pays de buveurs de thé, le pays compte plusieurs grandes « maisons » spécialisées. Dans chacune d'elle : un expert ou un « blender-tea ». Leur rôle consiste, d'une part, à se rendre dans les pays de production pour sélectionner, acheter des thés, faire des assemblages qui donnent naissance à des classiques, des créations originales, voire des compositions éphémères. D'autre part, l'expert joue un rôle de conseil en termes d'origines, de sélections, de préparation....
Des parcours atypiques
Lydia Gautier incarne parfaitement cette profession qui s'apparente à la sommellerie. Cela étant, il n'existe pas encore d'enseignement formalisé et validé par l'Éducation nationale. Pas de voie royale, donc, mais des parcours atypiques qui mènent à l'expertise du thé. « C'est ma passion pour l'espèce botanique camellia sinensis, le nom du thé, qui est à l'origine de ma spécialisation », explique-t-elle. Diplômée de l'Institut national agronomique de Paris-Grignon et spécialisée en agriculture comparée et développement agricole, elle a d'abord exercé dans le domaine de la viticulture et de l'oenologie dans des vignobles français et sud-américains. « Je me suis vraiment inspirée de l'univers du vin pour construire mon champ organoleptique. Utiliser le parallèle avec le vin avait aussi pour objectif de faciliter l'accès à cet univers du thé aux Français, car ce produit d'extrême Asie, même s'il fait partie de notre quotidien, n'est finalement pas très bien connu. Entrer dans cet univers par la dégustation et par l'initiation avec le vocabulaire du vin s'avère une approche intéressante. »
Déguster un thé nature sur la plantation, découvrir ses subtilités, les analyser, les mémoriser... Puis vient le travail d'imagination pour élaborer des mélanges savoureux. Le métier de tea taster allie originalité, créativité et émotion.
Emmanuel Jumeau-Lafond, expert-thé Dammann
Un enrichissement permanent
Pour Emmanuel Jumeau-Lafond, « tea-taster » chez Dammann Frères, il s'agit d'une histoire de famille. En 1949, son père Jean Jumeau-Lafond entrait dans l'entreprise pour la diriger en compagnie de Robert Dammann. Le thé devient alors le négoce exclusif de l'entreprise. « Déguster un thé nature sur la plantation, découvrir toutes ses subtilités et ses promesses, les analyser et les mémoriser, c'est la première tâche du tea taster. Ensuite vient le travail d'imagination pour élaborer des mélanges qui exprimeront les saveurs et les arômes. Un métier passionnant qui allie originalité, créativité et émotion. »
Le métier ne cesse d'élargir le champ de ses compétences. Lydia Gautier travaille sur une mission dans le nord du Vietnam avec une ONG spécialisée dans les certifications de filière pour accompagner une zone de production, où se trouvent des théiers centenaires. Objectif : donner une visibilité sur le marché européen et les accompagner dans une certification bio et équitable. « Pour cela, je collabore en lien étroit avec les producteurs pour les aider à trouver des débouchés. » Elle les accompagne en amont sur la modification de certains paramètres dans leur processus de fabrication, pour que leurs thés correspondent mieux aux attentes de ce marché de niche. Il s'agit de thés dits « premium ».
Par ailleurs, Lydia Gautier fait découvrir sa passion lors de conférences, de dégustations et de sessions s'adressant aux amateurs ou aux professionnels de l'hôtellerie et de la restauration. À l'école de gastronomie française Ferrandi, elle dispense des formations niveau bachelor manager de restaurant (2e année), master spécialisé IPCI (en partenariat avec AgroParisTech), mention complémentaire employé barman et formation adultes sur les arts de la table. En attendant une reconnaissance officielle.