Interview

Équilibre nutritionnel et snacking, une alliance possible

Équilibre nutritionnel et snacking, une alliance possible

Café BRAS à RODEZ

© Sylvie Humbert

La généralisation du déjeuner sur le pouce a fait naître une grande attente du consommateur pour des propositions de snacking sain et équilibré, ce qui n'est pas nécessairement antinomique. À condition de privilégier la qualité et de respecter quelques principes de base, les possibilités sont multiples et les opportunités réelles.

Quelles sont les attentes des consommateurs ?

Cyril de Héricourt Même ici, à Marseille, il y a un gros appétit pour une nourriture saine et rapide. Nous sommes installés aux Docks. Nous recevons à la fois une clientèle avertie, parfois militante, mais aussi des employés de bureau, dont on est devenu la cantine saine. J'ai un client qui vient tous les jours depuis l'ouverture, il m'a confié avoir perdu 3 kilos ! (rires)

Jérôme Cell Il y a quelques années, on se moquait des Américains mangeant leur sandwich à toute vitesse au pied des tours... Notre mode de vie a évolué, et rares sont ceux qui peuvent prendre quotidiennement un vrai repas « à la française ». En parallèle, on a une mouvance bio et végétarienne, parfois excessive d'ailleurs. Les gens sont alertés, voire culpabilisés par les médias, et se préoccupent de plus en plus de la qualité nutritionnelle de leur déjeuner sur le pouce.

Anna Coustal De manière plus ou moins constante, les clients ont besoin d'un repas qui puisse se manger rapidement, certes, mais qui soit équilibré, et, surtout, qui ne leur fasse pas perdre la conscience qu'ils sont en train de s'alimenter. Au-delà de la quantité de protéines, glucides, etc, le vrai problème est de ne pas être à l'écoute de ce qu'on l'on mange, car on n'entend pas le signal de satiété, par exemple. La dimension « plaisir » est d'autant plus importante.

Comment répondre à cette attente tout en conjuguant plaisir et équilibre ?

Anna Coustal Le simple fait que le sandwich ou la salade soit appétissant(e) est extrêmement important, car cela aide à se recentrer sur le repas plutôt que sur le journal ou l'ordinateur. Cela passe par tous les aspects sensoriels, la vue avec de jolies couleurs, mais aussi des textures contrastées, qui vont inciter à une mastication plus lente. Le fameux signal de satiété intervient en général au bout d'une vingtaine de minutes, même si cela est variable suivant les profils.

Jérôme Cell En ce qui nous concerne en tant qu'industriels, nous y répondons par la qualité de la base céréalière. C'est vrai, quand on réfléchit, un snack sans céréales, c'est très rare ! C'est ce qui fait que le sandwich n'est pas cher, et aussi qu'il peut se manger avec les mains. C'est la sélection de la matière première, mais aussi la transformation qui doivent altérer le moins possible les qualités intrinsèques des céréales. Dans une farine très blanche, il reste de l'amidon, mais plus guère de minéraux et de vitamines. Le niveau de qualité suivant, c'est le restaurateur. Si toute la chaîne effectue un travail de qualité, l'équilibre nutritionnel qui se trouve déjà au niveau de la plante est maintenu. Le consommateur a aussi un rôle à jouer, notamment dans le rythme auquel il avale son sandwich !

Cyril de Héricourt Avec Julien Allaire, consultant naturopathe, nous avons établi une sorte de charte pour construire nos menus sains. Il y a toute une partie végétarienne. Pourtant, ici, vous ne trouverez pas de tofu, car nous n'avons pas le sentiment que la culture du soja et sa transformation soient très écolos. Nous préférons privilégier les circuits courts. Il y a aussi des principes plus étonnants, comme la mise à l'écart des crudités, qui ne sont pas très digestes. Cela tombe bien : notre cuisinière, Louise Gillard, est une spécialiste des légumes rôtis ou juste snackés ! Dans le respect des saisons, on s'arrange pour que le repas soit sain et équilibré, c'est ce que nos clients cherchent.

Y a-t-il des aliments à privilégier ?

Anna Coustal Il faut de tout, dans les bonnes quantités. Pour moi, si les « super foods » existent, ce sont les plantes aromatiques... Visuellement et gustativement, elle vont donner du peps. Mais ce sont aussi de bonnes sources de vitamines, comme le persil, par exemple, qui est gorgé de vitamines C.

Cyril de Héricourt Ici, on est très branchés graines. Par exemple, on utilise des noix de cajou, que l'on fait tremper la veille pour les rendre « vivantes ». Cela fait ressortir les minéraux et les oligoéléments, et on peut ensuite les utiliser comme base de crème végétale. C'est très intéressant.

Il y a donc encore de la place pour l'innovation ?

Jérôme Cell Le Miwam, qui était à la base un projet entre Sébastien Bras et moi, qui sommes anciens camarades de l'école hôtelière, est un bon exemple de réponse. Là, il n'y a plus de pain, mais une sorte de pâte à gaufre salée faite d'un mélange variable de céréales, plutôt des variétés anciennes et plutôt complètes, peu utilisées en snacking. Il présente une texture à la fois croustillante et moelleuse, pas de risque de crampes aux mâchoires comme avec certains sandwichs ! Mais c'est une vraie question : il me semble qu'on a beaucoup trop axé la qualité du pain sur cet aspect alvéolé. Avec le Miwam, on a pris le problème dans l'autre sens, en se préoccupant d'abord de la qualité nutritionnelle... Et sur le plan gustatif, c'est super ! Le produit est d'ailleurs très nomade. Avec les Bras, on a conçu les stries exprès pour qu'il puisse être réchauffé au grille-pain et redevienne croustillant. Avec des chefs autant artistes qu'ingénieurs, on peut inventer de nouvelles formes !

Cyril de Héricourt On revisite, avec des inspirations étrangères, par exemple, le millet travaillé en risotto. On fait aussi des « fauxmages », des fromages sans lait, pour l'instant plutôt tartinables, aux algues, aux épices... On travaille le vieillissement, on s'est équipés pour pouvoir les faire sécher.

De quoi satisfaire les « sans » ?

Cyril de Héricourt Chez les vegan, il y a des extrémistes ! (rires). Pour nous, il est important de maintenir cette mixité dans la clientèle, et d'entretenir cette confiance que tous nous accordent. Cela permet de faire découvrir des choses, à condition de faire un peu de pédagogie, car on a toujours des réfractaires à certaines préparations comme la crème de betterave !

Jérôme Cell Il y a les véritables allergiques au gluten, qui sont peu nombreux, heureusement, mais dont il faut se préoccuper. Et puis tous les intolérants, qui rencontreraient des problèmes de digestion. J'emploie le conditionnel, car cela n'a pas tellement de base scientifique, mais qu'importe. En tant qu'industriels, on se doit d'y répondre, en essayant de prendre de la hauteur. Chez Celnat, on préconise une grande variété de céréales, ce qui permettrait également d'éviter les tensions sur la matière première liée aux effets de mode, puisqu'en bio, on pratique la rotation des cultures. Le consommateur averti est capable d'éliminer ces excès, mais il y a un gros effort de pédagogie.

Anna Coustal Les végétariens, et les autres d'ailleurs, peuvent miser sur les bonnes associations, qui permettent aux acides aminés essentiels (ceux qui ne sont pas synthétisés par l'organisme) de se combiner. Si le snack ne contient pas de protéines animales, il faut associer céréales et légumineuses. Les combinaisons sont multiples ! Dans les salades composées, bien sûr, qui sont alors plus digestes. Je reçois un nombre incroyable de femmes qui consomment trop de crudités pour se donner bonne conscience. Au mieux, à 16 heures, elles n'en peuvent plus tant elles n'ont pas été rassasiées ; au pire, elles ont le système digestif irrité... Cela est valable aussi pour le sandwich, qui pâtit d'une mauvaise image, mais qui peut tout à fait être sain si le pain est de qualité, de préférence complet. On peut imaginer pas mal de choses avec des pâtes de légumineuses tartinables, comme le houmous, ou les germes de soja, qui sont considérés comme des légumineuses.

Il y a donc encore beaucoup à faire...

Anna Coustal Le public est en attente de manger sain, il faut lui donner envie. On voit des choses apparaître, dans les grandes villes notamment, mais cela reste limité. Or, il est capital de varier les plaisirs pour se recentrer sur l'acte de se nourrir. Sur le pouce ou pas, la nourriture saine ne doit pas être rabat-joie !

Jérôme Cell On n'est clairement pas égaux sur le territoire. Dans les grandes villes, à Paris en particulier, il existe une offre de qualité de plus en plus variée. Mais en périphérie, on continue à tirer sur les coûts... Or, une boulangerie de qualité, avec de belles farines, une fermentation longue et un levain naturel, cela donne des pains qui se conservent très bien, on réduit les pertes... Et niveau santé, on a tout gagné ! Il faut que les consommateurs acceptent de payer un tout petit peu plus cher. Je pense que les restaurateurs ont un rôle capital à jouer sur cette question.

Cyril de Héricourt Nous avons ouvert il y a quelques mois, et on ne cesse de monter en cadence. C'est toujours un pari, mais cela veut dire qu'il y a une vraie attente. C'est à nous d'y répondre et de mériter cette confiance qu'on nous accorde.

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