« Développer une marque, synonyme de l'art de vivre à la française »

Propos recueillis par Paul Fedèle
« Développer une marque, synonyme de l'art de vivre à la française »

3 29 Paul en Grande-Bretagne 3 dont 28 à Londres (20 en succursales + 8 en franchise avec Hold&Co + 1 franchise Hold&Co à Edimbourg-aéroport) 3 324 unités en France3 84 unités à l'étranger sur 20 pays

© DR

Stratégie. Président de Paul, Maxime Holder conduit depuis 2006 la stratégie de la marque phare du groupe Holder. En exclusivité pour Néo, il détaille sa vision du marché britannique sur lequel il mène une offensive depuis 2000. Avec 29 unités au compteur dont 20 succursales, il mise sur une dizaine d'ouvertures par an.

Néorestauration : Après une première expérience en 1990, vous aviez abandonné le marché britannique pour y revenir 10 ans plus tard. Pour quelles raisons ?

Maxime Holder : Comme de nombreuses entreprises à l'époque en forte croissance, nous avions amorcé un développement rapide tous azimuts et poussé nos pions dans plusieurs pays européens dont les Pays-Bas, la Belgique ou encore le Royaume-Uni avec un premier point de vente au sein du centre commercial Canary Wharf. Ce fut une erreur pour une grosse PME comme la nôtre et son équipe d'encadrement. Nous menions le projet depuis la France où nous devions, dans le même temps, conduire un développement très soutenu. Le groupe a donc décidé de faire machine arrière et de concentrer toutes ses ressources dans l'Hexagone où notre histoire était encore loin d'être écrite.

N. Vous y êtes retourné en 2000, de quelle façon et avec quel positionnement ?

M. H. On apprend beaucoup de ses erreurs. C'est pourquoi, lorsque Paul a décidé de revenir outre-Manche et de reprendre le développement international, le challenge était d'une autre nature tant pour le groupe, fort d'une base arrière solide, que pour moi à qui mon frère David avait confié la mission de conduire ce retour. Pour relever ce défi également personnel, je suis allé m'installer à Londres en 2000 pendant deux ans avec une quarantaine de personnes. L'objectif était clair : comprendre et vivre le marché avant de dupliquer, cette fois-ci, un modèle français très normé par Francis Holder depuis 1993. Aussi, en ouvrant les premières unités Paul à Covent Garden et Marylebone High Street, j'ai choisi non pas de me positionner comme une énième chaîne, car pour cela les Anglais ne nous attendaient pas face à une offre déjà bien installée, mais de vendre du pain et promouvoir l'art de vivre à la française. En bref : donner l'occasion aux Anglais de vivre une expérience française authentique.

N. Comment ce message est-il passé ?

M. H. C'est ce positionnement franco-français sans concession qui a fait toute la différence dans le paysage très disputé de la restauration rapide. La marque a su se distinguer en dévoilant son histoire et son âme. Un message d'ailleurs fort bien reçu, notamment par la presse anglaise, très prescriptrice, qui a contribué à notre notoriété. Pour nous, un groupe du Nord plutôt discret, cette relation aux médias était nouvelle. Mais elle a été essentielle dans notre succès et dans la conduite de notre communication. Et nous avons su, dans la foulée, défendre non pas des produits à la qualité indiscutable, mais davantage les valeurs incarnées par la marque ou encore des initiatives portées et défendues par l'enseigne. Dans le même temps, et pour promouvoir le modèle de qualité et de tradition sur lequel repose notre succès en France et asseoir rapidement la marque, nous nous sommes également appuyés sur les grands hôtels et restaurants auxquels le groupe Holder a fourni pains et viennoiseries. Notamment à une soixantaine d'établissements dont le Savoy Hotel, le Wilton... Ce fut pour nous un relais très porteur et accélérateur pour le rayonnement de la qualité de nos produits auprès de leurs clients et de leurs confrères.

N. Quelles sont les spécificités du marché anglais ?

M. H. C'est un marché où l'on a besoin d'aller vite. Car quand un modèle plaît et que vous êtes soutenus, notamment dans les médias, il faut ouvrir de nombreuses unités et rapidement sinon on vous oublie tout aussi vite. Car le marché est tellement dynamique et mouvant, la restauration sous toutes ses formes est tellement tonique que, si vous n'avancez pas, vous êtes vite remplacé par d'autres dans les médias comme dans la tête des gens. Si nous avons décidé de rester très fidèles à l'architecture de nos boutiques françaises, aux codes de la marque et au contenu de l'offre, en revanche, nous nous sommes quelque peu adaptés aux modes de vie anglais. La consommation nomade et la vente à emporter, très développées en milieu urbain, nous ont fait évoluer sur nos packagings et le choix de certains équipements (machine à café filtre par exemple). Même démarche pour certaines boissons qui n'étaient pas le coeur de métier de Paul, à l'exemple de la gamme de thés que nous avons beaucoup enrichie.

N. Quelle organisation avez-vous mise en place et quelle est votre vision d'un développement en Grande-Bretagne ?

M. H. Hormis sur les sites de concessions de type gares et aéroports anglais où Paul est présent comme en France par l'intermédiaire de la master-franchise Hold&Co [ndlr : lire encadré ci-dessous], notre approche du marché anglais est aujourd'hui directe via Paul UK, une filiale créée en 2000 avec un investisseur privé. Avec ces quelques années de recul, nous nous sommes aperçus que nous avions tout à gagner à partir à l'étranger même si, contrairement aux entreprises allemandes qui chassent en meute, les PME françaises sont un peu livrées à elles-mêmes lorsqu'elles sortent de France. Quand Paul se développe à l'étranger, c'est la France qui s'exporte, puisque nous sollicitons nos fournisseurs d'ameublement ou encore certains partenaires agroalimentaires pour nous accompagner. Pour autant, les pays dans lesquels nous nous implantons sont à chaque fois un laboratoire nouveau avec des exigences propres dont la maison mère et la culture d'entreprise tout entière ont à apprendre et à se nourrir. Ce fut le cas pour la Grande-Bretagne mais aussi pour nos implantations dans les pays du Golfe ou en Chine.

N. De quelle manière l'expérience anglaise profite-t-elle aujourd'hui à la France ?

M. H. La Grande-Bretagne, et notamment Londres, est une porte d'entrée sur le monde avec une grande liberté de création et la plate-forme de nombreuses tendances. En quelques années, nous avons appris beaucoup de ce marché dans la gestion du service comme des ressources humaines. La clientèle très nomade est aussi très pressée, ce qui nous a poussés à mettre en place des solutions pour la satisfaire. Le boom de la livraison nous a invités à nous poser des questions sur la manière de servir une clientèle qui veut être livrée au bureau. Paul UK a donc lancé en 2007, le Delivery, via un triporteur pour la clientèle de proximité ou un scooter électrique pour les trajets un peu plus longs. Un moyen aussi de parler développement durable dans une ville complètement congestionnée. Cette expérience fructueuse menée à partir de la boutique de Covent Garden va trouver un prolongement direct en France puisque nous lançons ce service début 2008 à Lille. L'autre grande particularité de Londres est que la ville est en plein emploi et qu'il est encore plus difficile qu'en France de trouver et garder du personnel. Donc c'est dans la capacité de former, de développer cette culture d'entreprise forte et de l'afficher haut et fort que nous parviendrons à nous développer de manière efficace. Nous sommes d'ailleurs en cours de labellisation « Investors in people », un processus qui devrait aboutir fin 2008 et couronner une politique ressources humaines dynamique.

N. Quelles sont vos ambitions outre-Manche ?

M. H. Je souhaite parvenir à ce que, lorsque les Anglais pensent pain, ils pensent Paul. Et nous faisons tout pour faire passer le message. En 2007, nous avons par exemple lancé des cours de boulangerie sur certains points de vente qui remportent un grand succès. Et nous multiplions les signaux dans cette direction. Avec près d'une trentaine d'implantations, nous souhaitons aujourd'hui accélérer à Londres mais aussi partout en Grande-Bretagne et en Irlande avec environ 7 à 10 succursales ainsi qu'un accompagnement de Hold&Co sur les lieux de transit. Si le groupe mène aujourd'hui un développement fort à l'international avec 50 % des ouvertures en 2007, ce n'est certainement pas au détriment du marché français où la demande reste encore très forte. Sur 60 à 80 ouvertures programmées en 2008, près d'une quarantaine sont prévues dans l'Hexagone.

Deux ans à Londres pour vivre le marché britannique

 

37 ans, diplômé de Sciences Po Paris et titulaire d'une maîtrise de droit des affaires-droit fiscal, Maxime Holder a commencé sa carrière les mains dans le pétrin avec une formation aux métiers de la boulangerie avant d'entrer chez Arthur Andersen. Deux ans plus tard, il rejoint l'aventure familiale comme responsable de magasin Paul d'abord, puis directeur régional de l'enseigne avant de s'expatrier outre-Manche pour amorcer l'aventure anglaise. Après deux années, il est directeur de réseau et en charge des services fonctionnels de Paul, prend la tête du réseau Franchise avant d'être nommé PDG de Paul. Aujourd'hui, Maxime Holder, qui coiffe 437 points de vente, accélère le développement hors frontières sans négliger surtout l'Hexagone.

VOS EVENEMENTS
Tous les événements
04
dé - Paris
CONGRÈS RHD 2023

20ème Edition

04
dé - Paris
IN-NEO AWARDS

Célébrez les acteurs qui participent à l’évolution de la RHD

Nous vous recommandons

Zenchef intègre le ChatGPT pour répondre aux avis clients

Zenchef intègre le ChatGPT pour répondre aux avis clients

Le spécialiste de la restaurant tech veut aider les professionnels à améliorer leur image grâce à l’intelligence artificielle.L’objectif n’est pas « de standardiser voire de robotiser les réponses aux avis clients, assure Julien...

Old Wild West à la reconquête des budgets modestes

Interview

Old Wild West à la reconquête des budgets modestes

Pizza Del Arte dynamise son offre snacking

Pizza Del Arte dynamise son offre snacking

Brut Butcher fait le pari de la désindustrialisation

Interview

Brut Butcher fait le pari de la désindustrialisation

Plus d'articles