1 Le concept Léon de Bruxelles génération 2, prévu en mai à Mantes-Buchelay (78).
© Photos : DR
Del Arte finalise sa Villa 4, Léon de Bruxelles s'apprête à ouvrir son solo génération 2, Hippopotamus fignole son nouveau concept de périphérie, Courtepaille affine un modèle déjà bien calé, alors que Les Tavernes de Maître Kanter ou Amarine mettent une dernière touche à ce qui sera leur nouveau modèle. C'est l'ébullition du côté des chaînes de restauration qui lancent de nouvelles générations de bâtiment de périphérie.
Coïncidence ? Pas vraiment. On parlera plutôt de stratégie alors que les financiers ont pris le pouvoir dans un certain nombre de groupes de restauration, que les exigences de rentabilité sont fortes au regard d'un foncier de plus en plus cher, que les nouvelles zones de chalandises convoitées sont à plus faible potentiel. Et que les attentes de la clientèle ont évolué au même titre que la règlementation. Bref, l'équation est la même pour tous : une course au développement. Mais avec de nouvelles règles du jeu. Ce qui, vu par le prisme des financiers, se traduit par une feuille de route rigoureuse avec business plan, des retours sur investissement rapides (les fameux TIR), économies, rentabilité et productivité. En clair, finis les délires d'architecte, les constructions à plus de 1,8 M€ et les paquebots de 250 places. Le compte de résultat est sous surveillance et les ratios suivis à la loupe. Notamment le fameux ROCE (EBE/capitaux employés - besoin en fonds de roulement). Selon les enseignes, les attentes tournent autour de 20 % l'an. Résultat : les chaînes sont priées de rembourser leurs nouvelles implantations en 4 à 5 ans maximum. Et par voie de conséquence, de prévoir moins grand, moins cher pour rentabiliser plus vite.
Un point mort plus bas
Pour Michel Morin, président du directoire de Léon de Bruxelles, le plafond d'investissement maximal (hors foncier) pour un bâtiment solo de 500 m2 est environ l'équivalent d'un an de CA, soit à peu près 2 000 €/m2 (parking et VRD compris). C'est bien moins que le modèle d'origine. C'en est fini des gros bateaux de 250 places assises et de 650 m2. L'enseigne inaugurera en mai, à Mantes-Buchelay (78), son nouveau modèle de périphérie de 180 places assises. Une ouverture qui signe le redémarrage du développement, ainsi que la prise en compte des contraintes nouvelles d'exploitation, de coût d'entretien et d'exigences de rentabilité ; avec un soin tout particulier du client et du personnel.
Le dernier solo est donc plus petit, moins haut, moins marqué en façade mais aussi plus facile à implanter. L'ergonomie des postes de travail a été mieux pensée comme le confort apporté aux clients à travers une assise soignée ou des tables plus grandes.
Même démarche pour Eric Vincent, le DG d'Hippopotamus : « Là où nous investissions 1,8 M€ pour un solo, aujourd'hui nous ne dépasserons plus 1,2 M€, soit un tiers d'économie. » La chaîne, qui a déjà entièrement relooké avec succès quatre des ex-Côte à Côte rachetés en périphérie parisienne, n'a pas dépassé les 1 300 €/m2 de travaux pour les convertir aux nouveaux standards de la marque (lire Néorestauration, n° 426) ; le retour sur investissement est prévu en trois ans. Et quatre ans sur le nouveau bâtiment neuf qui sera ouvert cette année sur la base d'un investissement au m2 de 2 200 €. Ce dernier sera assez proche finalement de la matrice de base d'un Côte à Côte. Les dernières rénovations, celles d'Orléans (500 m2) et de Chartres, correspondent plus ou moins à ce que seront nos deux modèles types de bâtiments : l'un de 120 places, l'autre de 150. À 220 couverts moyens/jour d'activité, Eric Vincent a ramené le point mort sur un calibre de 150 places assises, à 180 couverts/jour (il était de 250). De quoi s'autoriser plus de souplesse.
Une structure modulaire
« Nous arrivons de plus en plus sur des zones à plus faible potentiel dont le trafic ne permet pas d'amortir des structures de grande taille. C'est pourquoi, nous devons être capables de nous adapter au site », reprend Philippe Roux, PDG de Pizza del Arte qui lancera avant l'été la quatrième génération de Villa. « Déjà, sur le modèle Villa 3 de 2004, nous avions abandonné l'étage et rapatrié toute l'exploitation de plain-pied pour gagner 20 % sur l'investissement (800 K€), optimiser le fonctionnement et augmenter la productivité. » Le patron de l'enseigne, qui garde comme référence un ratio d'investissement de 0,7 pour 1 de CA, a réduit, une fois de plus, la voilure sur le modèle 4, en gagnant encore 20 %. Conçu sur la base d'un noyau central de production entouré de 130 places assises, cette génération sera évolutive avec des modules additionnels de 20 à 30 places. Un moyen d'assurer un retour sur investissement, foncier compris, en quatre ans et demi (avec un taux de loyer jamais supérieur à 8,5 % du CA).
Pour Les Tavernes de Maître Kanter, on planche actuellement sur une solution « tiroirs », qui permettrait aux franchisés de choisir la solution la mieux adaptée à leurs contraintes locales. Pour tout dire, la marque, qui appartient encore à Kronenbourg, n'avait pas (ou peu) changé son concept depuis... 1975. « L'étude menée avec un cabinet extérieur nous a confirmé le nécessaire repositionnement de notre marque, surtout vis-à-vis des jeunes et des femmes », explique Karine de Talence, déléguée générale. Ce réveil tardif, mais actif, va aboutir à la naissance, cette année, d'une nouvelle Taverne modulaire, moins chère et plus vite rentabilisée (1 200 €/m2 contre 1 800 € ), à la décoration plus actuelle. Et notamment un concept évolutif dans la journée qui devrait aussi répondre aux différents moments de consommation, car le client du midi n'est pas celui du soir qui est distinct de celui du week-end.
Amarine, l'enseigne « poisson » du groupe Agapes réenclenche elle aussi, cette année, sa croissance. Il a entamé un remodeling de ses restaurants et le nouveau concept, qui verra le jour courant 2006, a porté un oeil attentif à l'ergonomie des postes de travail pour accroître la productivité.
Déconnecter l'identité du bâti
L'exemple d'Hippopotamus, qui a converti avec succès des ex-Côte à Côte, est en soi un cas d'école récent. Celui de se refaire une identité dans un bâtiment déjà existant. « Je crois plus à la force d'une enseigne que celle d'une architecture trop typée qui enferme le concept et lui ôte toute légitimité notamment en centre-ville ou en centre commercial », souligne de son côté Olivier Dutertre, directeur développement de Courtepaille. Une analyse d'autant plus vraie que, non seulement elle découle de l'évolution de la réglementation et notamment de la loi Barnier qui contraint les enseignes à se faire plus discrètes en entrée de ville, mais aussi que la plupart des réseaux sont amenés à s'installer dans des bâtiments d'ex-concurrents rachetés. Courtepaille, comme Léon d'ailleurs, vont investir pour l'un 450 K€ par unité, pour l'autre 600 K€ afin de remettre à leurs couleurs, les 11 Bodegon Colonial acquis récemment.
Si les bâtiments d'aujourd'hui doivent répondre aux attentes actuelles des clients, du personnel et surtout des financiers, charge à eux de ne pas oublier l'avenir. Et notamment la réglementation qui galope et qui ne devrait pas tarder à se faire entendre sur la cigarette et les lieux non fumeurs (prévoir des terrasses protégées et chauffées), sur le tri sélectif des déchets (réfléchir à des zones de rangement adaptées) ou encore des difficultés croissantes de livraison avec des horaires plus matinaux (imaginer des sas réfrigérés ou des veilleurs de nuit).
Objectifs rechérchés
- Construire des bâtiments moins chers et plus rentables
- S'implanter sur des zones à moindre potentiel
- Diminuer le point mort et réduire le retour sur investissement
- Optimiser l'exploitation et accroître la productivité
- Disposer de concepts modulaires pour s'adapter à la situation géographique
- Convertir des bâtiments existants à ses couleurs
- Offrir plus de confort à ses clients
- Travailler sur l'ergonomie des postes de travail
- Réduire les coûts d'utilisation, de maintenance
- S'adapter à la réglementation, voire l'anticiper
On évitera demain
- Des bâtiments trop typés
- Des grandes salles non modulaires
- La moquette, un faible éclairage, un confort sommaire
- Des mezzanines (peu pratiques)
- Des zones de production éclatées
- Des restaurants non climatisés
L'avis de Guy de Soucy, DG de Restauration-Investissement
« L'heure n'est plus au surdimensionnement »
La hausse du foncier a remis en cause bon nombre de modèles économiques formatés depuis des années sur des bâtiments gros porteurs à fort trafic. L'heure n'est plus au surdimensionnement mais à des tailles moyennes plutôt de 150-200 places.
Un calibre plus adapté pour absorber à la fois les coûts fixes, une fréquentation devenue saisonnière dans la semaine et répondre à un profil de client qui n'est plus le même à midi, le soir et le soir du week-end. À chaque enseigne sa vérité ; mais force est de constater qu'après avoir consolidé leurs marges en baissant leurs coûts et en optimisant les frais de personnel, les chaînes s'attaquent aujourd'hui à leur investissement.
Pour moi, un investissement ne doit pas dépasser un an de chiffre d'affaires, soit environ 7 500 euros à la place, foncier compris en tenant compte d'un coût d'occupation qui n'excède pas 6 à 8 % du CA.