Peut-on remplacer le plastique ? Et si oui, par quoi ?
En BtoB
Dans un contexte économique plus que particulier, les industriels planchent sur la substitution du plastique, plus facile à dire qu'à faire, analyse Frédérique Lehoux, directrice générale de Geco Foodservice. « Nous achetons des emballages plastique, non pas parce que nous sommes amoureux de la matière, mais parce que le plastique répond à de multiples attentes pour nous industriels -il protège la denrée, s’adapte à quasi tout type de contenu, acide, gras, sec- et pour nos clients -il est léger, transparent etc.. Donc quel matériau trouve-t-on qui soit aussi universel ?. Et qui soit aussi réglementé, encadré ? Les matériaux émergents sont des boîtes noires : si on sort du plastique, avec les investissements très lourds au niveau industriel que cela représente, il ne faudrait pas s’apercevoir au bout de deux ans que le matériau vers lequel on a basculé pose problème ! Nous avons à l’esprit la fibre de carton recyclée il y a quelques années : les huiles minérales des encres migraient dans la denrée, on a été obligés de mettre un film plastique. On est archi mobilisés sur le sujet, on cherche, et on fera dès qu’on pourra ».
Le réemployable en question ?
En BtoC
Catherine Rouanet, fondatrice de NoWW, propose des contenants alimentaires réemployables, made in France et lavés grâce à un ancrage local (entre 30 et 50 kms) puisque l’entreprise utilise les tunnels de lavage des cuisines de
restauration collective des environs. Cette proximité participe à l’intérêt du système, sur le plan social d’abord, sur le plan écologique ensuite, puisque les dernières analyses ont montré que le réemploi était pertinent à condition de rester dans un rayon inférieur à 200 km. C’est sur le même créneau du réemploi que s’inscrit la
cofondatrice de Pur Etc, Héloïse Chalvignac. Dès la création de son enseigne engagée en 2011, elle a mis en place un système de consigne pour ses bocaux verre. Avec une cuisine centrale qui dessert la dizaine de restaurants
« c’est beaucoup de logistique aller-retour ». Les bocaux consignés 50 centimes, et 1 € à partir de 2022, contiennent des produits désormais 100 % bio -d’où une hausse tarifaire de 10/15 %- et à 80 % végétariens.
Selon l’Ademe, sur 180 000 tonnes de contenants à usage unique jetés par la restauration, seuls 4 % seraient recyclés.
1er janvier 2023, entrée en vigueur de la REP Restauration avec les coûts supplémentaires que cela suppose
Sur le principe du pollueur-payeur, la REP Restauration -prélude à la REP des déchets industriels et commerciaux prévue pour 2025- devait être mise en place au 1er janvier 2021 dixit la loi AGEC, elle a été repoussée au 1er janvier 2023 grâce à la Loi Climat et Résilience. « Ca reste un délai extrêmement court, alors que nous partons d’une page blanche », estime Frédérique Lehoux, du Geco. L’Etat a missionné l’Ademe pour dresser une photographie de l’existant -quelle est la nature, le format des déchets ? Comment sont-ils collectés, triés, traités actuellement ? Par qui ? Pour quels coûts ?. Seulement, dans une profession très atomisée et bousculée par la succession de stop and go liés à la pandémie « la collecte des données n’est pas simple »... Et les trous dans la raquette de cet état des lieux évidents. C’est quand même à partir de là que l’Ademe va élaborer un cahier des charges pour désigner un éco-organisme, chargé de définir « un tarif d'éco-contribution pour les emballages des produits qui vont dans une cuisine, et les emballages des produits remis au consommateur pour manger sur place. Il faut bien comprendre qu’on passe d’un paradigme de production linéaire à une économie circulaire qui va engendrer un coût non négligeable ; il va falloir que le consommateur prenne conscience de cet engagement et accepte de payer un surcoût » .
La RSE intègre aussi l’humain
En termes de management
Chez Pur Etc, Héloise Chalvignac a mis en place une gouvernance partagée, l’holacratie. Chaque pôle d’une entreprise classique est représenté par un cercle avec pour chacun un rôle -une raison d’être et une redevabilité auprès des autres cercles-. Par exemple, la raison d’être des achats, c’est d’acheter des produits de la meilleure qualité au meilleur prix, celui de la plonge de fournir des produits propres etc. Chacun des salariés a des missions et est somme toute son propre chef d’entreprise. « Ca fait un an que nous opérons cette transition vers un management collaboratif, horizontal. C’est long et complexe, mais ça permet d’autonomiser les salariés, de leur dire que s’ils se plaignent d’une situation, ils sont en capacité de trouver les solutions pour y pallier et ça permet davantage d’adhésion puisque nous construisons les solutions ensemble ».
En termes de transmission
C’est clairement l’axe choisi par Christian Têtedoie. Outre la création en septembre 2022 d’un CFA dédié aux métiers de la gastronomie, avec un axe RSE très important, le chef étoilé et MOF est très impliqué dans l’accompagnement des nouveaux talents. « Il y a une dizaine d’années, j’ai créé une pépinière de jeunes chefs avec le restaurant l’Arsenic ; pendant un an ou deux, dégagés de la gestion et de la communication, ils peuvent y peaufiner leur cuisine, trouver leur style, préparer un projet pour s’installer à leur compte. Ça fonctionne bien, ça se sait et donc les jeunes viennent aussi dans l’entreprise pour qu’on les prépare à ce tremplin. On a participé à plusieurs ouvertures. Je suis leur parrain auprès des banques, je m’engage à les suivre sur trois ans, ce qui leur permet d’obtenir des prêts bancaires à des taux avantageux. En parallèle, j’ai créé la CIA, une entité qui s’occupe de réaliser le projet de A à Z ; on leur met à disposition nos avocats, nos architectes etc. Eux n’ont qu’à penser à leur projet ».
Quid des déchets ?
Chez Christian Têtedoie, tous les déchets sont retraités, soit un coût estimé par le chef à 48000 €/an. « Une entreprise vient récupérer nos déchets organiques, d’autres les cartons, les cageots etc. Nous avons modifié l’éclairage du restaurant pour passer en LED basse conso, changé les robinets pour réduire la consommation d’eau, on essaie d’être exemplaire, ça signifie être assez à l’affût avec les équipes ».