Comment passer du marketing au full marketing

Thierry Poupard
Le marketing à l'ancienne exclut des domaines qui sont pourtant au contact du client, estime Thierry Poupard. Le consultant trouve qu'il serait opportun que les dirigeants se posent eux aussi, comme corollaire, la question de savoir ce qu'ils peuvent faire pour leur marketing.

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Chronique bimensuelle n°35 du 15 février 2008 
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Lorsqu'il a traversé l'Atlantique, au siècle dernier, le marketing se définissait par « les 4 P » qui exprimaient son périmètre d'activité, son champ de responsabilité : les produits, les prix, la communication (promotion) et le lieu (place) ou, plus exactement, le canal de distribution. Cette acception du terme a vécu parce que, aujourd'hui, « La concurrence est devenue si forte dans tous les secteurs d'activité - restauration incluse - que, en dehors de la marque, la seule différenciation possible est le service clients » (Fortune 500).

Effectivement, les produits des uns sont largement copiés par ceux des autres, les prix entre enseignes similaires sont nivelés et la communication se limite à de la promotion (produit nouveau, formule alléchante, prix attractif). Seul le lieu reste encore un bastion d'exclusivité pour exprimer la personnalité de certaines chaînes, principalement à thème. Impossible de confondre la hutte de Courtepaille (même si son toit de chaume disparaît au fil du temps) avec le bâtiment mi-grange du Midwest mi-saloon de Buffalo Grill. En revanche, dans les restaurations rapide et traditionnelle, les décors tendent à se ressembler tous. Or, c'est, justement, lorsque le marché tend à se banaliser que le marketing doit être plus puissant et tout le monde concerné par le lui. Pourtant, on entend parfois des interprétations curieuses : certains, heureusement fort rares, disent et pensent « Le marketing c'est moi » ou bien « mon marketing, c'est mes emplacements » ce qui est pour le moins réducteur et d'autres, beaucoup plus nombreux, considèrent que lorsque quelque chose est irrationnel « c'est DU marketing » et que quand quelque chose ne marche pas « c'est LE marketing ». Responsable et coupable. A une époque où l'on considère que le client doit être remis au centre des préoccupations, le marketing a bien besoin de s'enrichir et de s'élargir pour que cela ne reste pas un vœu pieux. C'est effectivement le client qui est la richesse du restaurant, à condition d'aller dans son sens ou de lui donner l'impression que l'on y va. Dans tous les domaines. Parce que, au-delà des produits, des prix, des promotions ou du site, le client est en contact avec de nombreux éléments entre lesquels se manifeste souvent un manque de cohérence comme, par exemple, lorsqu'un objectif de vente est fixé sur un produit et que la PLV est confiée au marketing et les suggestions du personnel aux opérationnels. La probabilité est forte que le message délivré au client ne soit pas identique.

Autre cas : quand un décor est laissé à la seule initiative de R&D il sera plus soucieux de design que du bien-être des clients. Encore un hiatus : les enquêtes de satisfaction et les visites mystères sont très souvent confiées au département qualité en dépit du fait que satisfaire le client incombe au marketing. Quant à l'analyse des ventes, elle est en général le fait du contrôle de gestion alors que, les ventes étant la sanction des stratégies produits, prix et communication qui ont été mis en œuvre par le marketing, il est d'une logique implacable que celui-ci les manage et les oriente dans le sens souhaité avec les éléments du mix qui s'y rapportent (ventes suggérées, merchandising, carte ou PLV). D'autant plus que chacun sait que pour manager il faut analyser et mesurer. Ces illustrations prouvent que l'amélioration des performances d'un restaurant ou d'une chaîne requiert plus de cohésion décisionnelle et une concentration des énergies sur l'intégralité de ce qui touche au client ; cela constitue le « full marketing ».

Puisque l'on exige désormais du marketing qu'il se demande à chaque instant ce qu'il peut faire pour son client, il serait opportun que les dirigeants se posent eux aussi, comme corollaire, la question de savoir ce qu'ils peuvent faire pour leur marketing. Enfin, il est remarquable de constater que les deux plus grandes chaînes de restauration en France sont dirigées par des personnes dont les carrières ont été fortement empreintes de marketing ; ce qui explique, au moins en partie, leurs excellentes performances. Comme quoi, marketing et rentabilité vont de paire.