Comment optimiser les petites surfaces ?

FLORENT BEURDELEY - FBEURDELEY@INFOPRO-DIGITAL.COM
Comment optimiser les petites surfaces ?

À l'heure où les prix de l'immobilier atteignent des sommets et les mètres carrés se font rares, les restaurateurs sont dans l'obligation d'optimiser leurs petits espaces. Les cuisines s'ouvrent sur les salles en tenant compte des contraintes techniques, la décoration joue sur les matières et la lumière, le mobilier est pensé en termes de convivialité et de rentabilité... Quatre professionnels ont partagé ces problématiques lors d'un débat organisé par Néorestauration.

 

 

Les petits restaurants sont-ils une exclusivité des grandes villes ?

Thierry Virvaire Ils sont nombreux à Paris, mais le phénomène se retrouve dans toutes les villes disposant d'un centre historique qui n'a pas été détruit.

Yvan Raphanel Effectivement, ça démarre partout, avec des immeubles réhabilités, l'abandon de petits commerces au profit de restaurants. Du coup, tout l'aspect technique intérieur doit être repensé.

Olivia Lafon On connaît la problématique des emplacements à Paris. Moi, j'ai repris un salon de beauté, 70 m2 sans sous-sol, que j'ai complètement restructuré, avec un architecte, en restaurant de 35 couverts. Nous avons joué énormément sur les miroirs pour donner de la grandeur au local, et j'ai construit une offre très simple de soupes, salades (...), une carte assez restreinte pour ne pas avoir de problème d'approvisionnement ni de stockage. J'ai développé la vente à emporter, qui me permet de doubler mon chiffre d'affaires. Le soir, l'établissement se transforme en bar à vin afin de pouvoir proposer une offre en continu.

Yvan Raphanel Quand on ne produit pas, il faut très peu de place. C'est la cuisson qui pose problème. J'ai été confronté à cette question avec un chef étoilé, à la Bigarrade, à Paris (70 m2). Pour contourner cette difficulté, et parce qu'il voulait recevoir les clients comme chez lui, nous avons fait une cuisine ouverte en insistant sur l'extraction pour éviter les odeurs dans la salle. Le chef s'est arrêté au bout de quatre ans, épuisé, car la cuisine ouverte, c'est une finale olympique quotidienne. Vous n'avez droit à aucune erreur.

Olivia Lafon La cuisine, chez moi, est de 8 m2 ; nous l'avons ouverte pour agrandir l'espace, mais ce choix répondait avant tout à une demande du client, qui souhaite de plus en plus être immergé en cuisine et voir comment sont travaillés les produits.

Thierry Virvaire En ouvrant la cuisine, on gagne de la place tout en rassurant le consommateur ; cette théâtralisation est fondamentale et ouvre d'autres pistes d'aménagement intérieur. Ce qui pouvait être au départ une contrainte liée à l'absence d'espace se révèle un axe de travail pour l'aménagement intérieur.

Yvan Raphanel Par contre, la cuisine ouverte impose de travailler avec l'induction, pour des raisons de sécurité. Le gaz est à proscrire. Il faut également veiller à cacher la partie plonge.

Toutes les surfaces sont-elles exploitables en restaurant ?

Yvan Raphanel Une cuisine ne peut pas faire moins de 2,50 m sur 2,50 m : c'est totalement impossible techniquement. En revanche, on peut parfaitement optimiser une petite cuisine, pourvu que le cahier des charges soit précis en amont. Il faut faire des plans sans tenir compte des équipements standards, sinon on se retrouve bloqué, et plutôt voir ensuite comment intégrer le standard...

Thierry Virvaire C'est un problème de moyens. Si vous n'utilisez pas de mobilier standard, c'est plus cher.

Yvan Raphanel Non, pas si vous définissez bien votre cahier des charges ; et même si c'est un petit peu plus cher au départ, vous y gagnerez tellement au fil du temps...

Thierry Virvaire Mais au lieu d'opter pour un espace immense en cuisine, ne faut-il pas étudier précisément la fonctionnalité ? Éviter les déplacements, penser l'ergonomie, les gestes, me semble prioritaire. Regardez ce qui se passe en restauration rapide : les employés passent leur temps à utiliser du matériel inadapté. Ils plongent dans des vitrines trop basses, les comptoirs sont souvent prévus pour de la conservation, et non pour du service. Il faudrait les remonter de 20 cm au moins, les incliner...

Yvan Raphanel C'est tout le problème de vouloir utiliser du matériel standard et non dédié...

Peut-on compenser l'absence d'espace par la décoration et l'aménagement de la salle ?

Olivia Lafon La lumière est importante. La vitrine, qui mesure 8 m de long, en apporte beaucoup. Une vitre fermée a été rouverte sur la cour intérieure pour agrandir la salle et gagner là encore en luminosité. On joue sur les lumières, on allume à midi, le soir on tamise. Dans le même esprit, nous avons des miroirs sur les tables.

Thierry Virvaire C'est vrai que la lumière est un point intéressant ; elle doit être modulée, rythmée pour habiller l'espace. Les miroirs agrandissent l'espace, mais captent aussi cette lumière. Tout ce qui est conception, technologie luminaire, permet d'aborder un petit espace. Plus globalement, ces dernières années, les petits établissements osent davantage que les grands en matière d'approche déco et de signature. Ils affichent une identité forte. Ils n'entrent pas dans la logique de minimalisme, ils utilisent des sols travaillés, comme du carreau de ciment, traité de manière décorative. On voit fleurir des mosaïques, des mélanges étonnants.

Olivia Lafon On pense que parce qu'on a un petit local, on met peu de choses. Chez nous, c'est l'inverse, c'est très chargé, avec de petits canapés, des fauteuils, des banquettes. C'est plus un restaurant-salon qu'un espace de restauration à emporter. C'est une façon de pousser les murs. Nous avons créé des ambiances, des coins différents, des mélanges de genres, avec du papier peint, du tissu. Ça répond à la tendance de cocooning, mais aussi de rentabilité : j'ai mis beaucoup de tables. Il fallait que je fasse quelque chose de cosy... Les gens restent ; je fais un couvert et demi.

Yvan Raphanel Si c'était moins confortable, vous pourriez accroître le nombre de couverts.

Olivia Lafon Non, car en termes de production, je ne pourrais pas faire plus que ce que je fais actuellement.

Thierry Virvaire D'ailleurs, les petits espaces peuvent profiter de la tendance du partage, qui favorise la proximité entre les convives...

Olivia Lafon Oui, je propose des assiettes à partager.

Qui dit mini-espace dit problème de stockage... Comment y faire face ?

Oliva Lafon Je suis dans une logique de slow-food, je travaille avec des producteurs en direct, donc l'absence de stockage est difficile à gérer. Les producteurs de produits frais sont très flexibles, me livrent quotidiennement, mais forcément, avec des tarifs moins intéressants que pour une grosse commande. Pour le vin, j'ai une cave à vin classique, mais aussi un distributeur assez souple qui me permet de faire des commandes deux à trois fois par semaine sans trop grosses quantités. Le problème se pose vraiment pour les produits consommables non comestibles, type petite hygiène, qui prennent de la place. Et le packaging.

Jean-Marc Fau Pour répondre à cette problématique, nous avons travaillé sur l'empilabilité (98% de nos petits contenants sont empilables), sur le service et la livraison rapide : depuis Carcassonne, toutes les commandes passées avant 14-15 heures partent le jour même. Nous n'imposons pas de minimum de commandes, et notre franco de port est très bas. Mais les paniers moyens des commandes ont chuté depuis trois ou quatre ans, certainement en raison de la réduction de la taille moyenne des établissements, des problèmes de stockage, ainsi que du manque de trésorerie. Nous avons aussi noté une légère diminution de la taille des contenants sur notre gamme intermédiaire.

Finalement, c'est bien, la petite surface ?

Olivia Lafon Moins de surface signifie moins de personnel, donc une affaire moins lourde à gérer. En revanche, d'autres problèmes se posent, comme limiter le gros matériel ou réussir à intégrer des toilettes handicapées, qui prennent de la place : comme c'était une création, il fallait respecter les normes handicapés.

En ouvrant la cuisine, on gagne de la place tout en rassurant le consommateur ; cette théâtralisation est fondamentale et ouvre d’autres pistes d’aménagement intérieur.

Thierry Virvaire

Multiplier le mobilier est une façon de pousser les murs. Nous avons créé des ambiances, des coins différents, des mélanges de genres. ça répond à la tendance de cocooning, mais aussi de rentabilité : j’ai mis beaucoup de tables.

Olivia Lafon

une cuisine ne peut pas faire moins de 2,50 m sur 2,50 m : c’est impossible techniquement. En revanche, on peut parfaitement optimiser une petite cuisine, pourvu que le cahier des charges soit précis en amont.

Yvan Raphanel

Nous avons constaté une chute des paniers moyens des commandes de contenants depuis trois ou quatre ans, notamment en raison de la réduction de la taille moyenne des établissements et des problèmes de stockage

Jean-Marc Fau

Nous vous recommandons

Foodles, de Paris à Londres, des partenaires-traiteurs aux laboratoires de production

Interview

Foodles, de Paris à Londres, des partenaires-traiteurs aux laboratoires de production

La start-up, qui propose des menus gourmands ultra-frais livrés chaque jour dans des frigos dotés d’une technologie brevetée et 100% made in France, essaime dans l’Hexagone et en Europe… Elle vient d’ouvrir au Royaume-Uni, raconte...

Zoom sur les enseignes de restauration qui intègrent des salariés porteurs de handicap

Analyse

Zoom sur les enseignes de restauration qui intègrent des salariés porteurs de handicap

Le palmarès Néo de la restauration collective 2018

Classement

Le palmarès Néo de la restauration collective 2018

Le palmarès Néo de la restauration fast casual 2018

Classement

Le palmarès Néo de la restauration fast casual 2018

Plus d'articles