Consommation d'une biere et de vin a la terrasse d'un bar. La loi qui interdit la vente d'alcool aux mineurs entre difficilement en application. Illustration d'un mineur achetant une bouteille dans une grande surface et consommant de l'alcool dans un bar. Paris, FRANCE - 11/2009
© OJJ-RTP VALINCO/SIPA
Contrairement aux idées reçues, les 18-30 ans s'intéressent au vin. Mais pour inciter cette cible aux attentes bien différentes de celles de leurs aînés à en commander, il faut adapter l'offre et la marketer.
Non, la génération Y ne boit pas que du soda ! D'après une étude de l'Ifop publiée en octobre dernier, sept millennials sur dix boivent régulièrement ou occasionnellement du vin, et la consommation progresse avec l'âge. Une cible à ne pas négliger, donc. Mais il faudra trouver les leviers : seuls 34 % des 18-30 ans s'intéressent à cet univers. Comment toucher cette tranche d'âge que l'on dit zappeuse, briseuse de codes, en quête à la fois de sens et de divertissement ? « Les moins de 25 ans manquent d'intérêt pour le vin parce qu'ils n'arrivent pas à se l'approprier, estime Éric Briones, professeur associé à l'ISG Moda Domani Institute et fin connaisseur des « Y ». Ce produit, tel qu'il est présenté, a du mal à entrer dans leur mode de vie. Il faut apporter un discours de séduction conforme à leurs valeurs. »
Sélectionner des vins alternatifs
Pour lui, une des valeurs clé est l'éthique. Sensible aux discours de protection de l'environnement, adepte d'une consommation plus responsable, la génération Y est attirée par les vins naturels et bio. Une conviction partagée par Stéphane Planche, consultant pour l'achat de vin et la gestion du personnel à la Maison Jeunet, restaurant deux étoiles, à Arbois, dans le Jura. « Il faut faire évoluer le discours et sortir de la vision du vin à papa. La hiérarchie des millésimes, les différents cépages ne leur parlent pas. Les jeunes sont prêts à s'intéresser au vin si le contenu leur correspond, affirme-t-il. Il faut partir sur les vins de vignerons, dont la philosophie est de sortir du carcan des appellations. Il faut désacraliser l'étiquette, briser les codes. À la Maison Jeunet, un tiers des références de la carte sont des vins naturels. »
Étiquettes aux graphismes colorés, noms décalés... Les vins naturels bousculent la vieille école des châteaux et liserés dorés. Témoin « Interdit aux snobs », corbières dont l'étiquette est ornée de la photo d'un barbu viril et tatoué, ou « Pipi d'Ange », vin de Provence orné d'un personnage de BD. Anthony Lopez, propriétaire du restaurant Planches et Gamelles, au Lavandou, a mis ce dernier à sa carte pour séduire les jeunes clients. « Il est typique de ce que ces consommateurs recherchent : un vin doux et peu sucré. Je le propose en dessert en disant : "Ça vous dirait un "Pipi d'ange ?" Leurs yeux s'allument, ça marche très bien ! », s'amuse-t-il.
Adapter les tarifs
Qui dit Génération Y dit aussi enfants de la crise. Les 18-30 ans ont un budget boissons plus limité que celui de leurs aînés. Or, « les vins naturels sont plus chers à produire, car les vignerons n'utilisent pas d'intrants chimiques », rappelle Stéphane Planche. La solution ? Le vin au verre. Un format utilisé dans la quasi-totalité des restaurants. Mais « attention, ce n'est pas une solution de repli, prévient le chef. À la Maison Jeunet, nous proposons en permanence une quinzaine de vins de qualité ». Même politique chez Planches et Gamelles, qui n'hésite pas à proposer de temps à autre des verres onéreux. « Il ne faut pas hésiter à ouvrir des bouteilles exceptionnelles ou des cuvées confidentielles numérotées, juge Anthony Lopez. J'ai fait le pari d'ouvrir un Saint-Émillion de 2002 et de proposer le verre à 28 E. J'ai tout vendu en deux services ! »
Le vin au verrre étant un excellent levier pour dynamiser les ventes, le fondateur de Winetailors, Alexandre Chevrollier, conseille de le décliner en de nouveaux formats, d'une contenance plus petite. « Il serait intéressant de proposer une formule avec trois verres de 6 ou 7 cl pour accompagner chaque plat. » Stéphane Planche a justement lancé une offre sur ce principe : deux demi-verres de 8 cl pour le prix d'un verre de 14 cl. Autre avantage : les jeunes clients de restaurants situés dans de petites villes ou en zone rurale peuvent ainsi déguster deux vins sans craindre de souffler dans l'alcootest...
La présentation de la carte doit être revue pour valoriser la sélection de vins. À la Maison Jeunet, on a choisi de mettre l'accent sur le vigneron. Les vins sont classés par régions, sous-classés par producteurs, puis par cuvées. Seconde option : structurer la carte autour du prix. Alexandre Chevrollier suggère de travailler par tranches tarifaires : moins de 25 E, moins de 35 E, moins de 45 E... « On pourrait les intituler, par exemple, "la cave des découvertes", "la cave des amateurs", "la cave des avertis"... Tous les restaurants que je connais et qui appliquent ce principe ont vu leurs ventes croître de 3 à 9 % », affirme-t-il. Même démarche chez Anthony Lopez, au Lavandou, qui estime que le prix est le critère clé pour les jeunes dans le choix du vin. « Je les ai classés en trois catégories : 28, 38 et 48 E. Cela marche très bien ! »
Dynamiser la carte
Mais pour le fondateur de Winetailors, un restaurateur doit avant tout miser sur le dynamisme de la carte. Non pas en la remaniant d'un jour sur l'autre, mais en la « faisant vivre » : « On peut en extraire un vin qui dormait sur la carte et le mettre en avant sur une ardoise, comme "vin du jour" en accord avec le plat du jour », recommande-t-il. Et ne pas hésiter à proposer des régions moins connues comme, pour accompagner un poisson, un côtes de Provence blanc, un côtes du Rhône blanc ou un vin d'Alsace méconnu, comme le Edelzwicker. Chez Planches et Gamelles, le patron propose systématiquement un verre de vin à 4 E pour accompagner le plat du jour. « Nous mettons la formule en avant en écrivant sur des ardoises des phrases courtes et percutantes », précise Anthony Lopez. Il a également instauré un « champagne gourmand », composé d'une flûte et de trois desserts. Un carton auprès de la jeune clientèle féminine.
Revisiter le discours
Génération ultra-connectée, les « Y » ont le réflexe de chercher en temps réel les informations dont ils ont besoin. Problème : le vin ne se prête pas à la recherche rapide. Avec son mille-feuille d'appellations à trois niveaux - AOP, IGP et Vin de France -, il déconcerte les néophytes. Sans parler de tout le jargon du sommelier : minéralité, tanins fins, vin gouleyant... « Il ne faut pas avoir l'air d'un professeur guindé à la barbe bien taillée, mais être à leur image, être pédagogique et donner de la chair au vin en parlant de ceux qui le font », recommande Éric Briones.
Dépourvus de la culture du vin de leurs aînés, les jeunes de 18 à 30 ans sont ouverts au conseil et à la découverte de cuvées confidentielles. « Il est inutile d'aborder les caractéristiques techniques ou organoleptiques. Mieux vaut se concentrer sur l'histoire du vigneron, sur les arômes, et se poser en conteur d'histoire... Cette génération est sensible à l'authenticité », rappelle Alexandre Chevrollier. Évidemment, on a rarement le temps de raconter par le menu l'histoire du domaine au moment de la commande. La solution : prendre le temps d'échanger en fin de service. Les jeunes seront d'autant plus réceptifs si le vin leur a plu. Et motivés pour revenir s'ils estiment que le vin peut, tout compte fait, être un produit à leur image.
Le vin biologique, qui possède un label depuis 2012, est issu de vignes qui n'ont pas été traitées chimiquement. D'après la charte européenne, il peut subir, lors de sa vinification, l'acidification, le traitement thermique, l'ajout de tanins ou de copeaux de bois, de soufre, les levures industrielles... Le vin biodynamique s'inscrit dans la même lignée, mais en poussant plus loin la démarche. Les vignerons font des préparations naturelles à base de plantes qu'ils infusent pour aider la vigne à se renforcer et à améliorer les échanges avec le sol, le tout en prenant en compte les cycles lunaires et planétaires. Le vin naturel, qui n'a pas d'existence légale, combine culture bio et non-intervention dans le processus de vinification. Aucun intrant - à l'exception du soufre en petites quantités - ni procédé, tel que l'osmose inverse, ne sont autorisés par le cahier des charges de l'Association des vins naturels.