Benoît Léon-Dufour appelle le Gouvernement à faire preuve de davantage de patience sur le sujet de la régulation des prix.
Administrateur référent RHD au sein de la FEEF (Fédération des entreprises et entrepreneurs de France) qui représente les fournisseurs PME-ETI de la distribution, Benoît Léon-Dufour est aussi co-dirigeant de la société Somapro, spécialisée dans les préparations sucrées et salées. A l’heure où les négociations annuelles s’engagent, il rappelle certains principes, que ne semblent pas vouloir prendre en compte les instances gouvernementales pressées de voir les prix baisser dans un contexte inflationniste de plus en plus impactant pour la consommation.
Quel constat tirez-vous de cet été ?
La conjoncture n’a pas été aussi bonne que l’on pouvait l’espérer. Certes, les touristes étrangers sont revenus, et beaucoup de Français ont décidé de passer leurs vacances sur le territoire. Mais de toute évidence, leur pouvoir d’achat ayant baissé pour nombre d’entre eux, ils ont moins fréquenté les restaurants. Nos clients distributeurs ont enregistré en moyenne des baisses de 4 à 5%. En définitive, nous tirons un bilan de l’été en demi-teinte.
Et cette rentrée, comment s’annonce-t-elle ?
Nous entrons dans la période des négociations avec nos propres fournisseurs, avant les négociations avec nos clients. Si le circuit RHF n'a pas été mentionné par le Gouvernement sur l'accélération des négociations, il est possible que certains distributeurs nous sollicitent tout de même pour anticiper celles-ci. En ce moment, nous négocions les prix du sucre, mais nous avons 370 matières premières dont nous ne connaissons pas encore les prix pour 2024 ! Cette période de négociations s’étale jusqu’à la fin de l’année en fonction des matières traitées. Donc, de toute évidence nous ne connaissons pas aujourd'hui nos prix de revient et donc les prix que nous pourrons pratiquer à partir de janvier. Ils seront calculés à ce moment-là quand toutes les négociations avec nos propres fournisseurs seront terminées. C’est pourquoi, il nous est impossible d’ores et déjà d’annoncer à nos clients distributeurs (ou aux opérateurs de la restauration) des prix pour 2024 en hausse ou en baisse. Il semblerait que le Gouvernement n’ait pas compris la mécanique de nos métiers et la réalité économique qui n'est pas toujours alignée sur l'agenda politique.
Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, semble pointer du doigt les industriels qui auraient gonflé leurs marges par opportunisme ou anticipation. Qu’en pensez-vous ?
Cela concerne principalement les grandes multinationales et encore pas toutes. Il est stupide de monter les parties prenantes d’un éco système qui souffre déjà beaucoup les unes contre les autres. Nous avons tous besoin les uns des autres pour servir au mieux les consommateurs et je ne vois pas en quoi Bruno Lemaire se sent légitime sur un tel sujet qui ne concerne pas les adhérents de la FEEF qui, rappelons-le, sont des PME-ETI. Nous entretenons d’ailleurs avec nos clients RHF et nos distributeurs des relations de confiance durables et fidèles car nous parlons d’abord produits, matières et ingrédients avant de parler de prix. Le prix n’est qu’une conséquence d’un choix de développement que nous faisons en commun car nous co-créons souvent nos recettes ensemble. Nous cherchons toujours à être au plus proche de leurs besoins et demandes, et elles sont complexes car chaque client entend bénéficier d’une réponse personnalisée afin de se différencier sur le marché. C’est ce qui devrait conduire nos clients distributeurs à choisir les marques de PME afin de participer activement au développement de nos entreprises constituées de consommateurs potentiels. L’agilité qu’offrent nos petites structures devient primordiale en cette période.
Comment voyez-vous se conclure l’année et s’annoncer 2024 ?
Les relations vont se tendre entre industriels, transformateurs et distributeurs. Nous pensons à la FEEF que nous avons une carte à jouer dans ce contexte, en poursuivant nos politiques d’innovation, d'écoute, de souplesse et de flexibilité, en travaillant sur la RSE et le service. C’est pourquoi je suis confiant pour l’avenir de nos adhérents. Sur le millier que nous rassemblons, 600 d’entre eux travaillent directement pour la RHF, secteur qui a plus que jamais besoin de fournisseurs à la fois créatifs et proches d’eux en termes géographiques.
Propos recueillis en septembre 2023
