À la croisée des saveurs

STÉPHANIE TRAVERS

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Elle se destinait à la couture ou à l'armée. Elle dirige, depuis janvier 2013, les cuisines du Vraymonde, à Paris. Rougui Dia y propose une cuisine simple et épicée. À son image.

C'est à l'adolescence que Rougui Dia manipule les casseroles pour la première fois. Et qu'elle découvre le plaisir des repas partagés avec ses six frères et soeurs. De là naît sa vocation. À 38 ans, elle aime toujours autant faire explorer de nouvelles saveurs à ses convives. « Je suis aux anges quand nous intégrons à la carte du tamarin, de la patate douce ou de l'hibiscus », confie celle qui, en janvier 2013, a pris la tête d'une importante brigade parisienne, celle du Vraymonde, au sein du Buddha Bar Hôtel, à Paris. « Un vrai challenge pour moi ! » Et une reconnaissance qui lui a valu le prix Trofémina 2014.

Pour en arriver là, la jeune femme a fait preuve de force de caractère. Son bac pro en poche, elle décroche un poste de commis de cuisine aux Persiennes, puis passe onze ans chez Petrossian. Loin de l'image du chef abrupt et bien portant, cette belle plante d'un mètre soixante-quinze, qui trouve ses racines au Sénégal, détonne dans cet univers masculin. Mais sa rigueur et son franc-parler, mêlés à une cuisine métissée, « simple et honnête », l'imposent rapidement.

« Construire pour avancer »

Pourtant, celle que l'on surnomme « la perle noire de la gastronomie française » a d'abord mal vécu sa médiatisation. D'une nature discrète, elle a pris sur elle, avec un objectif : « Je voulais montrer aux jeunes que pour avancer, il faut se battre. Pas avec les poings, mais en construisant. » Elle-même a su puiser une énergie positive dans les obstacles et les pièges tendus. Les sauces sabotées derrière son dos, la galère des débuts pour trouver une entreprise... « On en garde des blessures, mais cela aide à persévérer. »

Toutes ces difficultés, l'adolescente choyée par ses parents, en Seine-Saint-Denis, n'y était pas préparée. « Sortir de mon cocon m'a permis de m'endurcir. » Elle a aussi appris à rester sur ses gardes. « Je ne me retourne pas, le plus difficile est peut-être à venir. » Elle ambitionne d'ouvrir son restaurant à Paris. Un lieu convivial où l'on ne viendrait pas pour analyser, mais pour se faire plaisir.